Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CENT ONZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « PÈRE, CEUX QUE VOUS M’AVEZ DONNÉS, JE VEUX QUE LA OU JE SUIS, ILS SOIENT AUSSI AVEC MOI », JUSQU’À CES AUTRES : AFIN QUE L’AMOUR « DONT VOUS M’AVEZ AIMÉ SOIT EN EUX ET MOI EN EUX ». (Chap. 17,24-26.)

LE CIEL ET LA VISION INTUITIVE.

Jésus, voie, vérité et vie, demande le ciel pour ceux qu’il a reçus et choisis du monde, la conviction des choses qui ne se voient point, et enfin, comme moyen d’y parvenir, la foi et l’espérance.

1. L’espérance que le Seigneur Jésus donne aux siens est singulièrement élevée dans son objet, et l’on ne saurait imaginer rien de plus grand. Écoutez et puisez dans votre espérance une immense joie : voici pourquoi vous devez non pas aimer, mais supporter la vie présente ; écoutez, afin de vous montrer patients au milieu de ses tribulations[1]. Écoutez, dis-je, et considérez attentivement jusqu’où s’élève notre espérance. C’est Jésus-Christ qui parle ; c’est le Fils unique de Dieu, coéternel et égal à son Père ; c’est celui qui s’est fait homme pour nous, mais qui n’est pas devenu menteur comme tout homme[2] ; c’est celui qui est la voie, la vie et la vérité[3] ; c’est celui qui a vaincu le monde[4], et il parle de ceux en faveur desquels il a remporté la victoire. Écoutez, croyez, espérez, désirez ce qu’il dit. « Père, je désire que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés soient aussi avec moi ». Quels sont ceux dont il dit que le Père les lui a donnés ? Ne sont-ce pas les mêmes dont il dit ailleurs : « Personne ne vient à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire [5] ? » Comment fait-il lui-même avec le Père ce qu’il nous dit être l’œuvre du Père seul ? Nous le savons déjà, si nous avons profité de l’explication de cet Évangile. Ce sont ceux qu’il a reçus du Père, ceux qu’il a lui-même choisis du monde pour qu’ils ne soient plus du monde, comme lui-même n’en est pas ; mais pour qu’ils soient ce monde qui croit et connaît que Jésus-Christ a été envoyé par Dieu le Père, afin de délivrer le monde du monde et empêcher le monde, qui doit être réconcilié avec Dieu, d’être condamné avec le monde qui est son ennemi acharné. Voici, en effet, ce qu’il dit au commencement de cette prière : « Vous lui avez donné pouvoir sur toute chair », c’est-à-dire sur tout homme, « afin qu’à tous ceux que vous lui avez donnés, il donne la vie éternelle[6] ». Par là il montre qu’il a reçu pouvoir sur tout homme ; en conséquence, et puisqu’il jugera les vivants et les morts, il délivrera ceux qu’il voudra et condamnera aussi ceux qu’il voudra ; par là, il montre encore que le Père lui a donné tous ceux auxquels il donnera la vie éternelle. Il dit en effet : « Afin qu’à tous ceux que vous lui avez donnés, il donne la vie éternelle ». C’est pourquoi ceux à qui il ne donnera pas la vie éternelle, ne lui ont pas été donnés. Pourtant il a reçu pouvoir sur eux, puisque pouvoir lui a été donné sur toute chair, c’est-à-dire sur tout homme. Ainsi le monde réconcilié sera délivré du monde ennemi, lorsque exerçant sur celui-ci son pouvoir Jésus l’enverra à la mort éternelle ; mais le premier il le fera sien et lui donnera la vie éternelle. La récompense promise par ce bon pasteur à toutes ses brebis, et par ce chef élevé à tous ses membres, c’est qu’où il est lui-même, là nous serons aussi avec lui. Cette promesse ne peut manquer de s’accomplir, puisque c’est le Fils tout-puissant qui dit au Père tout-puissant que telle est sa volonté. En cela aussi se trouve la volonté de l’Esprit-Saint, également éternel, également Dieu, Esprit unique des deux et la substance de leur volonté. De ces paroles que le Sauveur prononça au moment de sa passion : « Non ce que je veux, mais ce que vous voulez, Père[7] », il semblerait résulter qu’il y avait eu ou qu’il y avait encore de la différence entre la volonté

  1. Rom. 12, 12
  2. Ps. 115, 11
  3. Id. 16, 33
  4. Jn. 14, 6
  5. Id. 6, 44
  6. Jn. 17, 2
  7. Mat. 26, 39