Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

création du monde ; il les a choisis en les appelant avant la fin du monde. C’est ainsi qu’il a préparé ces demeures, et qu’il les prépare ; ce ne sont pas d’autres demeures, ce sont celles qu’il a préparées, qu’il prépare ; car il a fait les choses qui doivent se faire, il a préparé ces demeures par sa prédestination, il les prépare par son opération. Elles existent donc déjà comme prédestinées ; autrement, il aurait dit : J’irai et je les préparerai, c’est-à-dire, je les prédestinerai. Mais comme elles n’existent pas encore en tant qu’exécutées, il dit : « Et quand je m’en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, de nouveau je viendrai et vous prendrai avec moi ».

2. Mais ces demeures, il les prépare en quelque sorte par cela même qu’il prépare ceux qui doivent les habiter. En effet, quand il dit : « Dans la maison de mon Père il y a plusieurs demeures », quelle idée nous faisons-nous de cette maison de Dieu ? ne la regardons-nous pas comme le temple de Dieu ? Pour savoir ce qu’est ce temple, interrogez l’Apôtre, et il vous répondra : « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple [1] ». C’est encore le royaume de Dieu que le Fils doit donner au Père. Aussi le même Apôtre dit-il encore : « Jésus-Christ d’abord, comme les prémices ; puis ceux qui appartiennent à Jésus-Christ, et qui ont cru à son avènement : ensuite viendra la fin de toutes choses, lorsqu’il aura remis son royaume à Dieu son Père [2] » ; c’est-à-dire, quand il aura remis à son Père, pour le contempler, ceux qu’il aura rachetés de son sang. C’est de ce royaume des cieux qu’il est dit : « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui sème du bon grain dans son champ. Or, ce bon grain, ce sont les enfants du royaume ». Aujourd’hui l’ivraie se trouve mêlée au bon grain ; mais à la fin le roi lui-même enverra ses anges, « et ils enlèveront de son royaume tous les scandales. Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père[3] ». Le royaume brillera dans le royaume, lorsque, pour nous qui sommes ce royaume, viendra le royaume que nous demandons maintenant par ces paroles : « Que votre règne arrive[4] ». Dès cette vie déjà nous sommes appelés le royaume de Dieu ; mais ce royaume ne fait encore que se former ; car si nous ne portions pas ce nom, il ne serait pas dit de nous : « On enlèvera de son royaume tous les scandales ». Mais ce royaume ne règne pas encore ; c’est un royaume, en ce sens que lorsque tous les scandales en auront été enlevés, il possédera la royauté ; de la sorte, il en aura non pas seulement le nom, mais encore la puissance. C’est en effet à ce royaume placé à droite, qu’il sera dit à la fin : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume [5] » ; c’est-à-dire, vous qui étiez un royaume, et qui ne régniez pas encore, venez et régnez. Ce que vous n’étiez qu’en espérance, soyez-le en réalité. Mais cette maison de Dieu, ce temple de Dieu, ce royaume de Dieu, ce royaume des cieux, est encore en construction ; il se bâtit, il se prépare, on ne fait qu’en rassembler les éléments. En lui seront les demeures, comme les prépare encore le Seigneur ; en lui sont déjà les demeures, telles que le Seigneur les a prédestinées.

3. Mais qu’est-ce que Notre-Seigneur est allé préparer, puisque c’est nous-mêmes qu’il prépare et puisque, d’ailleurs, il ne nous préparerait pas s’il nous quittait ? Je comprends, Seigneur, autant que je le puis, ce que vous nous indiquez par là : pour que ces demeures soient préparées, le juste doit vivre de la foi[6]. Celui, en effet, qui marche loin du Seigneur, a besoin de vivre de la foi, parce que la foi le prépare à contempler Dieu face à face[7]. « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu[8] » ; et : « La foi purifie leurs cœurs[9] ». Cette première parole se trouve dans l’Évangile, et la seconde, dans les Actes des Apôtres. Or, la foi qui purifie, pendant leur pèlerinage, les cœurs de ceux qui doivent contempler Dieu, cette foi croit ce qu’elle ne voit pas ; dès lors que tu vois, tu n’as plus la foi. Le croyant amasse des mérites ; celui qui voit en reçoit la récompense. Que le Seigneur aille donc nous préparer une place ; qu’il s’en aille, afin que nous ne le voyions pas ; qu’il se cache, afin que nous croyions en lui. Car une place se prépare pour nous quand nous vivons de la foi. Que la foi nous le fasse désirer, et que nos désirs nous mènent à le posséder ; les désirs de la charité sont la préparation de cette demeure. Ainsi, Seigneur, préparez ce que vous

  1. 1Co. 3, 17
  2. Id. 15, 23-24
  3. Mat. 13, 24.38-43
  4. Id. 6, 10
  5. Mat. 25, 31
  6. Rom. 1, 17
  7. 2Co. 5, 6-8
  8. Mat. 5, 8
  9. Act. 15, 9