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gloire. Ceci ressemble à ce qu’il dit ailleurs « Comme le Père ressuscite les morts et les vivifie, de même aussi le Fils vivifie ceux qu’il veut ». Qui sont ceux qu’il vivifie ? Ceux-là mêmes que le Père vivifie. En effet, « toutes les choses que fait le Père, ce sont les mêmes choses et non pas d’autres » que fait le Fils ; et il « ne les fait pas différemment, mais d’une manière tout à fait semblable[1] ». C’est donc lui qui s’est ressuscité lui-même. De là, cette parole : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai[2] ». De là il faut le conclure, bien qu’il ne le dise pas, il s’est donné lui-même la gloire de l’immortalité qu’il dit lui avoir été donnée par le Père. Souvent, en effet, il dit que le Père fait seul ce qu’il fait lui-même avec le Père, afin d’attribuer au Père, de qui il est, tout ce qu’il est. Mais quelquefois aussi, sans parler du Père, il dit qu’il fait lui-même ce que cependant il fait avec le Père : c’est afin de nous faire comprendre qu’il ne faut pas séparer le Fils de l’opération du Père, lorsque, sans parler de lui-même, il dit que le Père agit ; comme aussi le Père ne doit pas être séparé de l’opération du Fils, lorsque, sans parler du Père, le Fils dit qu’il agit lui-même ; car ils opèrent tous les deux également. Quand donc il s’agit de l’œuvre du Père et que le Fils passe sous silence sa propre opération, il nous recommande l’humilité, il veut nous être plus utile. Et quand ensuite, dans ce qu’il fait, il passe sous silence l’opération du Père, il fait ressortir son égalité avec son Père pour nous empêcher de croire qu’il lui soit inférieur. Ainsi donc, dans ce passage, il ne se donne pas comme étranger à l’œuvre du Père, quoiqu’il ait dit : « La clarté que vous m’avez donnée », parce qu’il se l’est aussi donnée à lui-même ; il ne donne pas non plus le Père comme étranger à ce qu’il fait lui-même, quoiqu’il dise : « Je la leur ai donnée » ; car le Père la leur a aussi donnée. En effet, non seulement les opérations du Père et du Fils, mais encore celles du Saint-Esprit, sont inséparables ; il a lui-même voulu la réalisation de ce qu’il demande à son Père pour les siens, c’est-à-dire, « que tous soient un » ; de même en est-il de ce qu’il a dit à son propre avantage « La clarté que vous m’avez donnée, je la leur ai donnée » ; il l’a aussi voulu, car il ajoute aussitôt : « Afin qu’ils soient un, comme nous sommes un nous-mêmes ».

4. Notre-Seigneur ajoute ensuite : « Je suis en eux et vous êtes en moi, afin qu’ils soient consommés en un ». Par ces quelques mots, il se fait connaître pour Médiateur entre Dieu et les hommes. Cela n’est pas dit en ce sens que le Père ne soit pas en nous ou que nous ne soyons pas dans le Père, puisqu’en un autre endroit il dit : « Nous viendrons vers lui et nous établirons en lui notre demeure [3] ». Il ne faut pas l’entendre non plus en ce sens qu’il n’ait pas dit : « Je suis en eux et vous êtes en moi », puisqu’il vient de le dire, ou bien : Ils sont en moi et moi en vous ; mais bien : Vous êtes en moi, et moi en vous et eux en nous. Les paroles qui suivent maintenant : « Je suis en eux et vous êtes en moi », doivent donc s’entendre de la personne du Médiateur, selon ce que dit l’Apôtre : « Vous êtes de Jésus-Christ, mais Jésus-Christ est de Dieu [4] ». Quant à ce que Notre-Seigneur ajoute : « Afin qu’ils soient consommés en un », il montre par là que la réconciliation opérée par le Médiateur va jusqu’à nous faire jouir d’une béatitude si parfaite qu’il sera impossible d’y rien ajouter. De là vient que les paroles qui suivent : « Afin que le monde connaisse que c’est vous qui m’avez envoyé », ne doivent pas, à mon avis, être entendues dans le même sens que s’il répétait : « Afin que le monde croie ». Quelquefois, en effet, le mot connaître s’emploie pour le mot croire, comme dans le passage précité où Notre-Seigneur s’exprime ainsi : « Et ils ont connu vraiment que je suis sorti de vous, et ils ont cru que c’est vous qui m’avez envoyé [5] ». Ce qu’il dit en dernier lieu par le mot : « ils ont cru », est la même chose que ce qu’il avait déjà dit par le mot : « Ils ont connu ». Mais comme il parle ici de consommation, la connaissance à laquelle il fait allusion est, nous devons le comprendre, celle qui s’acquerra par la claire vue et non celle qui, comme maintenant, s’acquiert par la foi. Notre-Seigneur semble avoir gardé un certain ordre en tout ce qu’il a dit tout à l’heure : « Afin que le monde croie », et en ce qu’il dit maintenant « Afin que le monde connaisse ». Car bien qu’il ait dit en premier lieu : « Afin que tous soient un », et « qu’ils soient un en nous », il ne dit pas cependant : « Qu’ils soient consommés

  1. Jn. 5, 21, 19
  2. Id. 2, 19
  3. Jn. 14, 23
  4. 1 Cor. 3, 23
  5. Jn. 17, 8