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CENT SEPTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS : « MOI JE PRIE POUR EUX », JUSQU’À CES AUTRES : « AFIN QU’ILS AIENT MA JOIE ACCOMPLIE EN eux-mêmes ». (Chap. 17,9-13.)

REMISE DES APÔTRES À LA GARDE DU PÈRE.

Le Sauveur prie pour ses disciples qui sont dans le monde, mais qu’en qualité d’homme il a reçus de la part de Dieu, du milieu du monde. Le Père va le glorifier, il est sur le point de les quitter ; c’est donc au Père de veiller sur eux et de leur communiquer la plénitude de la paix et de la joie.

1. En parlant à son Père de ceux qu’il avait déjà pour disciples, le Sauveur lui dit entre autres choses : « Moi, je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que vous m’avez donnés ». Par monde, il veut ici qu’on entende ceux qui vivent selon la concupiscence du monde, et ne sont pas à tel point privilégiés de la grâce qu’ils soient par lui choisis du milieu du monde. Aussi dit-il qu’il prie, non pour le monde, mais pour ceux que le Père lui a donnés. En effet, par cela même que le Père les lui a déjà donnés, ils n’appartiennent plus à ce monde, pour lequel il ne prie pas.

2. Il ajoute ensuite : « Parce qu’ils sont à vous ». De ce que le Père les a donnés au Fils, il ne suit pas qu’il les ait perdus ; car le Fils continue et dit : « Et tout ce qui est à moi vous appartient, et tout ce qui est à vous est à moi ». Par là, il paraît assez comment sont au Fils unique toutes les choses qui appartiennent au Père : c’est qu’il est Dieu lui-même et que, né du Père, il lui est égal. Il ne faut donc pas entendre ces paroles de la manière dont il a été dit à l’un des deux fils, c’est-à-dire à l’aîné : « Toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi[1] ». Dans le premier cas, il est question de toutes les créatures placées au-dessous de la créature sainte et raisonnable, et qui sont soumises à l’autorité de l’Église ; or, dans cette Église universelle se trouvent compris ces deux fils, l’aîné et le plus jeune, avec tous les saints Anges, auxquels nous serons égaux dans le royaume de Jésus-Christ et de Dieu[2]. Mais voici ce qu’a dit Jésus-Christ : « Tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi ». Ces paroles s’appliquent donc à la créature raisonnable elle-même, à cette créature qui n’est inférieure, qu’à Dieu et qui tient sous sa dépendance tout ce qui se trouve au-dessous d’elle. Cette créature raisonnable appartient à Dieu le Père, mais elle n’appartiendrait pas en même temps au Fils, si le Fils n’était pas égal au Père. C’est d’elle qu’il entendait parler, lorsqu’il disait : « Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que vous m’avez donnés ; parce qu’ils sont à vous, et que tout ce qui est à moi est à vous ; et que tout ce qui est à vous est à moi ». Et il est impossible que les saints dont il dit ces choses, appartiennent à d’autres qu’à celui qui les a créés et sanctifiés. Par conséquent, tout ce qui est à eux doit aussi nécessairement appartenir à Celui à qui ils appartiennent eux-mêmes. Donc, comme ils appartiennent et au Père et au Fils, c’est la preuve que le Père et le Fils sont égaux, puisqu’ils leur appartiennent également. Ce qu’il disait, en parlant du Saint-Esprit : « Tout ce que le Père possède est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il recevra de ce qui est à moi et vous l’annoncera[3] » ; il le disait des choses qui appartiennent à la divinité même du Père, et dans lesquelles il lui est égal, puisqu’il a tout ce que le Père a lui-même. Car le Saint-Esprit ne devait pas recevoir d’une créature soumise au Père et au Fils ce qu’il veut indiquer par ces mots : « Il recevra du mien » ; mais il le reçoit du Père dont il procède, et de qui le Fils lui-même est né.

3. « Et », ajoute Notre-Seigneur, « j’ai été glorifié en eux ». Maintenant, il parle de sa glorification comme

  1. Luc. 15, 31
  2. Mat. 22, 30
  3. Jn. 16, 15