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et la saine doctrine, il doit venir avec le même corps juger les vivants et les morts. Par sa présence spirituelle, il devait rester avec eux, même après son ascension, et doit rester avec toute son Église en ce monde jusqu’à la consommation des siècles [1]. On ne comprendrait pas bien de qui il a dit : « Lorsque j’étais avec eux, je les gardais », si on n’appliquait ces paroles qu’à ses disciples d’alors ; comme ils croyaient en lui, il avait commencé à les garder corporellement, et il devait les abandonner corporellement, afin de les garder avec le Père d’une manière spirituelle. Il parle ensuite des autres qui sent aussi à lui, lorsqu’il dit : « Or, je prie non pas pour ceux-là seulement, mais aussi pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole ». Ceci montre bien clairement qu’il ne parlait pas de tous ses disciples lorsqu’il disait : « J’ai manifesté votre nom aux hommes que vous m’avez donnés », mais seulement de ceux qui l’écoutaient lorsqu’il prononçait ces mots.
3. Au commencement même de son discours, il avait élevé les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue, glorifiez votre Fils afin que votre Fils vous glorifie ». Depuis ce moment jusqu’à celui où il prononça ces mots : « Et maintenant vous, Père, glorifiez-moi de la gloire que j’ai eue en vous, avant que le monde existât », Notre-Seigneur a voulu parler de tous ceux à qui il ferait connaître le Père, pour le glorifier. En effet, après avoir dit : « Afin que votre Fils vous glorifie », il montra comment la chose devait se faire ; car il s’exprima en ces termes : « Comme vous lui avez donné pouvoir sur toute chair, afin qu’à tous ceux que vous lui avez donnés, il donne la vie éternelle. Or, la vie éternelle, c’est de vous connaître, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ[2] ». Le Père, en effet, ne peut être glorifié par la connaissance des hommes, s’ils ne connaissent aussi celui par qui il est glorifié, c’est-à-dire par qui les peuples le connaissent. Cette glorification du Père ne se borne pas aux seuls Apôtres, elle s’étend à tous les hommes, qui sont les membres dont Jésus-Christ est le chef. On ne peut entendre des seuls Apôtres ces paroles : « Comme vous lui avez donné pouvoir sur toute chair, afin qu’à tous ceux quevous lui avez donnés, il donne la vie éternelle », il faut évidemment les entendre, de tous ceux qui, croyant en lui, obtiennent la vie éternelle.
4. Voyons donc maintenant ce qu’il dit de ses disciples qui l’entendaient. « Alors j’ai manifesté », dit-il, « votre nom aux hommes que vous m’avez donnés ». Ils ne connaissaient donc pas le nom de Dieu, pendant qu’ils étaient Juifs ? Que devient alors ce que nous lisons : « Dieu est connu dans la Judée ; son nom est grand dans Israël [3] ? » Donc « j’ai manifesté votre nom à ces hommes que vous m’avez donnés au milieu du monde », et qui m’entendent prononcer ces paroles ; je leur ai manifesté, non pas ce nom par lequel on vous appelle Dieu, mais celui par lequel on vous appelle mon Père ; et ce nom ne pouvait être manifesté sans que le Fils fût manifesté lui-même, car le nom par lequel il est appelé le Dieu de toute créature, n’a pu rester tout à fait inconnu à toutes les nations, même avant qu’elles crussent en Jésus-Christ. Telle est la force de la vraie divinité, qu’elle ne peut être ni absolument ni entièrement cachée à toute créature raisonnable qui a l’usage de sa raison. Excepté, en effet, un petit nombre d’hommes en qui la nature s’est trouvée trop dépravée, le genre humain tout entier confesse que Dieu est l’auteur de ce monde. En tant donc qu’il a fait ce monde composé du ciel et de la terre, Dieu était connu de toutes les nations, même avant qu’elles fussent imbues de la foi de Jésus-Christ. En tant qu’il ne doit pas être adoré avec les faux dieux d’un culte insultant pour lui, Dieu est connu dans la Judée. Mais en tant qu’il est le Père de ce Jésus-Christ, par qui il enlève les péchés du monde, ce nom précédemment caché à tous, Jésus-Christ l’a maintenant manifesté à ceux que le Père lui-même lui a donnés au milieu du monde. Pourtant, comment l’a-t-il manifesté, si elle n’est pas encore venue, cette heure dont il disait « qu’il viendra une heure, où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père [4] ? » Faut-il regarder comme ouvertement annoncé ce qui se dit en paraboles ? Mais pourquoi dire : Je vous parlerai ouvertement, sinon parce que ce n’est point parler ouvertement que parler en paraboles ? Ne pas cacher

  1. Mt. 28, 20
  2. Jn. 17, 1-20
  3. Ps. 75, 2
  4. Jn. 16, 25