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Le Prophète a-t-il espéré un jour seulement dans le Seigneur, et son espérance a-t-elle cessé ? Il a espéré dans le Seigneur depuis la vigile du matin jusqu’à la nuit. La vigile du matin, c’est la fin de la nuit ; de là jusqu’à l’autre nuit, il a espéré dans le Seigneur. Entendons bien ces paroles, et n’allons pas croire que nous ne devons espérer dans le Seigneur que pendant un jour seulement. « Depuis la vigile du matin jusqu’à la nuit ». Que pensez-vous donc, mes frères ? Il est dit : « Depuis la vigile du matin jusqu’à la nuit, mon âme a espéré dans le Seigneur » : parce que le Seigneur, par qui nos péchés nous sont pardonnés, est ressuscité d’entre les morts à la vigile du matin, afin que nous concevions pour nous l’espérance de ce qui a été d’abord accompli en Notre-Seigneur. Nos péchés sont remis à la vérité, mais nous ne sommes point ressuscités encore. Si donc nous ne sommes point ressuscités encore, ce qui s’est accompli en notre chef n’est point accompli en nous. Qu’a-t-il paru d’abord dans notre chef ? Que la chair de ce chef est ressuscitée ; mais l’esprit de ce chef était-il donc mort ? Ce qui était donc mort en lui est ressuscité, et il est ressuscité le troisième jour ; et le Seigneur nous a dit en quelque sorte : Espérez pour vous ce qui s’est accompli en moi, c’est-à-dire que vous ressusciterez parce que moi-même je suis ressuscité.
7. Mais il en est qui disent : Voilà que le Seigneur est ressuscité ; puis-je donc espérer que je ressusciterai de même ? Oui, par la même raison. Car le Seigneur est ressuscité dans ce qu’il avait pris de toi. Il ne serait point ressuscité en effet, s’il n’eût passé par la mort, et il n’eût point passé par la mort s’il n’eût porté une chair. Qu’a reçu de toi le Seigneur ? La chair. Qu’était-il quand il est venu ? Le Verbe de Dieu, lequel était avant toutes choses, et par qui tout a été fait. Mais parce qu’il voulait prendre quelque chose de toi, « le Verbe a été fait chair et a demeuré parmi nous[1] ». Il a donc reçu de toi ce qu’il devait offrir pour toi ; de même que le prêtre reçoit de tes mains ce qu’il doit offrir pour toi, quand tu veux apaiser Dieu sur tes péchés. Voilà ce qui s’est fait, et cela s’est fait ainsi. Notre souverain Prêtre a reçu de nous ce qu’il devait offrir pour nous. Il a pris de nous une chair, et dans cette chair il est devenu notre victime, notre holocauste, notre sacrifice. Il est devenu notre sacrifice dans sa passion ; dans sa résurrection, il a renouvelé ce qui en lui avait reçu la mort, et l’a offert à Dieu comme prémices, et il t’a dit : Tout ce que j’avais de toi est maintenant consacré à Dieu ; j’ai offert à Dieu des prémices qui viennent de toi : espère dès lors qu’en toi s’accomplira ce qui s’est accompli tout d’abord dans ces mêmes prémices.
8. Comme donc c’est à la vigile du matin que le Christ a commencé à ressusciter ; c’est alors que notre âme a commencé à espérer. Et jusqu’à quel moment ? « Jusqu’à la nuit », jusqu’à notre mort ; puisque la mort de notre chair n’est en quelque sorte qu’un sommeil. C’est à la résurrection du Sauveur qu’a commencé ton espérance, qu’elle ne finisse qu’à ta sortie de ce monde. Si tu n’espères en effet jusqu’à la nuit, ton espérance passée est perdue. Il est en effet des hommes qui commencent à espérer, mais qui ne persévèrent pas jusqu’à la nuit. Les voilà dans les afflictions, les voilà dans la tentation, ils voient les méchants, les impies dans une félicité temporelle ; et comme ils attendaient de Dieu quelque bonheur ici-bas, ils voient que ce bonheur qu’ils convoitent est le partage d’hommes criminels : et les voilà chancelants, perdant toute espérance. Pourquoi ? parce que leur espérance n’a point commencé à la vigile du matin. Qu’est-ce à dire ? Parce qu’ils n’ont point commencé par espérer du Seigneur, ce qu’ils ont vu tout d’abord dans ce même Seigneur, à la vigile du matin ; mais ils espéraient qu’en devenant chrétiens, ils auraient des maisons regorgeant de froment, de vin, d’huile, d’argent, d’or ; que nul d’entre eux ne mourrait prématurément ; s’ils n’avaient point d’enfants, qu’ils en auraient en devenant chrétiens ; s’ils n’étaient mariés, qu’ils trouveraient une Épouse ; que leurs Épouses, non seulement, mais leurs bestiaux, ne seraient point stériles ; que leurs vins ne s’aigriraient Plus ; que la grêle n’atteindrait point leurs vignes. Après avoir espéré ces biens de la part du Seigneur, on voit que ceux qui ne servent point Dieu, possèdent cependant toutes ces richesses, et l’on chancelle, et l’on n’espère plus jusqu’à la nuit, parce que l’on n’a point commencé à espérer à la vigile du matin.
9. Quel est donc l’homme qui commence à

  1. Jn. 1,1.3-14