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main du moissonneur, ni le sein de celui qui récolte ses gerbes ». C’est ainsi qu’il en parle. Ainsi David, passant auprès de ces hommes, ne les a point bénis, accomplissant lui-même sa prophétie : « Et ceux qui passeront par la voie, n’ont point dit : Nous vous bénissons au nom du Seigneur ». Et toutefois ces passants, Prophètes, Patriarches, Apôtres, tous ceux qui ont passé, nous ont bénis, mes frères, « au nom du Seigneur », si nous vivons saintement. Comment, diras-tu, Paul m’a-t-il béni ? Comment Pierre m’a-t-il béni ? Écoute les saintes Écritures, vois si tu vis saintement, et tu verras qu’ils t’ont béni. Ils ont béni tous ceux qui ont vécu saintement. Et comment nous ont-ils bénis ? « Au nom du Seigneur », et non pas en leur propre nom, comme les hérétiques. Ceux qui sien viennent dire : Ce que nous donnons, voilà ce qui est saint, prétendent bénir en leur propre nom, et pas au nom du Seigneur. Mais ceux qui disent que nul ne peut rendre saint, sinon le Seigneur, que nul n’est bon que par la grâce de Dieu, ceux-là bénissent au nom du Seigneur, et pas en leur propre nom ; ils sont les amis de l’Époux, et répudient tout adultère avec l’Épouse[1].


DISCOURS SUR LE PSAUME 129

SERMON AU PEUPLE.

L’ESPÉRANCE DU PÉCHEUR.

Du fond de l’abîme le Prophète a crié vers le Seigneur. Cet abîme est celui du péché, et l’homme qui a pu y tomber ne saurait s’en relever par lui-même. Crier c’est déjà en sortir ; compter sur soi-même, ou s’abandonner au mal par désespoir, c’est dédaigner le secours divin, et Jésus-Christ est venu nous soulever afin de nous faire crier. C’est donc le pécheur qui crie, et il crie par espérance, et cette espérance lui vient de Jésus-Christ, dont la loi nous apprend à supporter les pécheurs sans donner à leurs fautes aucun assentiment. Comme nos fautes, quoique légères, sont nombreuses néanmoins, crions vers le Seigneur, et attendons de lui la vie éternelle qui commencera par notre résurrection, basée sur celle de Jésus-Christ qui a pris notre chair, pour mourir et ressusciter à la vigile du matin ; espérons jusqu’à la nuit, ou jusqu’à la mort. Lui seul est ressuscité pour ne plus mourir, et nous faire espérer une semblable résurrection. L’espérance est la garantie de la vertu, mais n’espérons pas les biens de cette vie, que n’ont recherchés ni les martyrs ni le Divin Maître. En résumé, espérons dans la miséricorde de celui qui veut nous racheter, qui le peut seul parce que seul il est sans péché.


1. Nous présumons, mes frères, que vous veillez non seulement des yeux du corps, mais aussi des yeux de l’âme, et dès lors nous devons chanter avec intelligence : « Du fond de l’abîme, Seigneur, j’ai crié vers vous ; Seigneur, exaucez ma voix[2] ». Ces paroles sont d’une âme qui s’élève, et dès lors appartiennent aux cantiques des degrés. Chacun de nous doit donc examiner dans quel abîme il est descendu, et d’où il doit crier vers le Seigneur. Jonas cria du fond de l’abîme, du sein de la baleine[3]. Non seulement il était sous les flots, mais dans les entrailles d’un monstre marin : et ni ces abîmes, ni ces entrailles, n’empêchèrent sa prière de s’élever jusqu’à Dieu, et le ventre de la baleine ne ferma point le passage à sa voix suppliante. Sa prière pénétra tout, brisa tout, et arriva aux oreilles de Dieu, si l’on peut dire, néanmoins, qu’elle brisa tout pour arriver aux oreilles de Dieu, quand le Seigneur avait les oreilles dans le cœur du Prophète suppliant. Où, en effet, Dieu n’est-il point présent pour le fidèle qui l’invoque ? Toutefois considérons aussi de quel abîme nous crions vers le Seigneur. L’abîme pour nous est cette vie mortelle. Tout homme qui comprend cet abîme, crie, gémit, soupire, jusqu’à ce qu’il sorte des profondeurs, et s’élève jusqu’à Celui qui est assis au-dessus des

  1. Jn. 3,19
  2. Ps. 129,1-2
  3. Jon. 2,2