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DISCOURS SUR LE PSAUME 128

SERMON AU PEUPLE.

LES TOLÉRANCES DE L’ÉGLISE.

Dans l’Église de Dieu on trouve des hommes qui reçoivent la parole de Dieu, comme le grand chemin, ou comme les terrains pierreux, ou même comme les terrains épineux ; mais d’autres, semblables à la bonne terre, produisent du fruit et font leurs œuvres à l’unisson de la parole divine. Ainsi en a-t-il été toujours ; l’Église a été attaquée dès sa jeunesse elle existait en Abel, tué par Caïn, en Enoch, en Noé, en Abraham, en Loth à Sodome, en Israël dans l’Égypte, en Moïse et dans les saints, en Israël. – Le psalmiste semble répondre à ceux qui méditent sur les douleurs de l’Église. Ils m’ont attaquée souvent depuis ma jeunesse, et néanmoins je suis arrivée à la vieillesse. Les attaques ne l’ont point mise en connivence avec le mal. Toutefois l’homme résiste souvent à la parole évangélique, il obéit à l’avance, plus exigeante que le Seigneur, il s’en prend à ceux qui prêchent et calomnie leurs mœurs ; il s’en prend même à Dieu, créateur de tout bien, et que les créatures bénissent. Quel que soit l’homme qui nous parle, obéissons, entrons dans l’Église de Dieu. Elle supporte ces plaintes, ces murmures qui ne doivent point durer, et qui n’existent que jusqu’à la moisson. Il y a donc mélange, mais le juste si près qu’il soit de l’impie, en est éloigné, l’assentiment seul fait le rapprochement. Un jour le Seigneur brisera le con des méchants, frappons alors notre poitrine. Tout orgueilleux qui commet le mal, et, au lieu de le reconnaître, se retranche dans son orgueil, comme sous un bouclier, sera frappé. Il hait l’Église et ressemble à l’herbe des toits qui se fane avant la récolte, et n’entre point dans le grenier céleste. Les passants qui nous bénissent sont les Prophètes, les Apôtres nos ancêtres dans la foi.


1. Le psaume que nous venons de chanter est court ; mais l’Évangile nous dit de Zachée qu’il était court de taille et grand en œuvres[1] ; ainsi encore la veuve ne mit dans le trésor du temple que deux pièces de monnaie[2], c’était peu d’argent et beaucoup de charité[3]. De même, si l’on compte les paroles de notre psaume, il est court ; mais il est grand si l’on en pèse le sens. Il ne pourra donc nous causer aucun ennui par sa longueur. Pourquoi ? Que votre charité veuille bien écouter, et nous prêter une attention religieuse. Que la parole de Dieu se fasse entendre, bon gré, mal gré, à temps et à contre-temps. Cette parole se fait faire une place, elle a trouvé des cœurs où elle se peut reposer, une terre où elle peut germer et porter du fruit. Sans doute il est évident que jusqu’à la fin il y aura dans le giron de l’Église beaucoup de méchants et d’injustes ; c’est pour ces hommes que la parole de Dieu est superflue, et dès lors elle tombe sur eux, ou comme le bon grain sur le grand chemin, et qui est mangé par les oiseaux du ciel[4] ; ou comme celui qui tombe dans les endroits pierreux, et qui n’ayant pas beaucoup de terre, germe d’abord, puis se dessèche sous les rayons du soleil, parce qu’il n’a point de racine ; ou comme celui qui tombe parmi les épines, qui germe et fait des efforts pour s’élever en haut, mais qui est étouffé par le grand nombre d’épines. Ceux qui méprisent la parole de Dieu ressemblent donc, ou bien au grand chemin ; ou bien à ceux qui se réjouissent d’abord, pour se dessécher bientôt quand vient la persécution comme les feux du soleil ; ou bien à ceux dont les pensées, les soins, les inquiétudes de cette vie, semblables aux épines de l’avarice, étouffent la bonne semence qui avait commencé à germer en eux. Mais il y a aussi la bonne terre, qui reçoit la semence et rapporte du fruit, chacun des grains produisant trente, ou soixante, ou même cent autres[5]. Or, soit peu, soit beaucoup, tous sont dans le grenier céleste. Il est en effet de ces âmes, et c’est pour elles que nous parlons maintenant. C’est pour elles que l’Écriture a parlé, pour elles que l’Évangile se fait entendre. Qu’elles écoutent néanmoins, afin de n’être point telles aujourd’hui et autres demain ; et de peur qu’elles ne dégénèrent en écoutant, qu’elles labourent le chemin, qu’elles ôtent les pierres, qu’elles arrachent les épines. Que l’Esprit de Dieu nous parle, qu’il prêche pour nous, qu’il nous fasse entendre ses chants ; soit que nous voulions ou non danser avec David, qu’il soit lui-même notre musicien. Un danseur, en effet, donne à ses membres un mouvement cadencé

  1. Lc. 14,2-9
  2. Mc. 12,12-41
  3. Lc. 11,2
  4. Mt. 13,4
  5. Mt. 13,3-23