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cherche la gloire du Christ, et non sa propre gloire ; aussi celui qui prêche à la porte dit-il : Gardez-vous de compter sur moi, car ce n’est point par moi, mais par la porte qu’il vous faut entrer. Quant à ceux qui veulent s’attirer la confiance des hommes, ils ne veulent point entrer par la porte, et rien d’étonnant dès lors que cette porte leur soit fermée, et qu’ils frappent en vain pour se la faire ouvrir. Renouvelez donc votre ferveur, mes frères, pour entendre demain le discours que je vous ai promis avec le secours de Dieu au sujet de l’Évangile qui parle de la colombe. Celui au nom duquel je vous l’ai promis, m’assistera de sa grâce, afin que je puisse m’acquitter. Mais pour que je dégage ma parole d’une manière utile, et que je n’aie pas été téméraire, priez pour moi.


DISCOURS SUR LE PSAUME 127

SERMON AU PEUPLE, PRÊCHÉ LE JOUR DE SAINT FÉLIX, MARTYRISÉ A TUNIS, NON LOIN D’HIPPONE.

LES BIENS SPIRITUELS.

Les biens que promet notre psaume paraissent des biens temporels, et sont souvent le partage des impies. Toutefois, si ces biens étaient véritablement temporels et qu’on les prêchât comme la récompense du fidèle, ils nous feraient perdre l’amour des biens éternels. Ce psaume est donc une allégorie. L’homme béni, c’est le Christ dont nous sommes les membres ; ces biens sont ceux de la Jérusalem céleste, réservés à ceux qui sont au Christ. Le bonheur de cette vie n’est donc point un bonheur véritable, de même que les douleurs des martyrs n’étaient point sans espérance, et ils ne méprisaient le présent qu’en vue de l’avenir.

Écoutons donc le psaume avec une crainte chaste, c’est-à-dire avec cette crainte peu soucieuse du mal temporel, mais qui commence par redouter les châtiments éternels, s’habitue à éviter le péché et à pratiquer le bien par amour pour l’éternité ; c’est la crainte de l’Épouse chaste qui craint que l’Époux ne vienne point, opposée à la crainte de l’Épouse adultère qui craint d’être surprise. Or l’Époux, qui est beau seulement aux yeux du cœur, est absent, et si nous désirons qu’il vienne pour nous juger, notre crainte est chaste. Que Dieu nous assure le bonheur temporel à condition que nous ne verrons point sa face, si nous tremblons, notre crainte est déjà chaste.

Bienheureux ceux qui craignent le Seigneur, ou le Christ dont nous sommes les membres. Nous mangerons les travaux de nos fruits ; c’est-à-dire, en travaillant pour recueillir le fruit qui est la vie éternelle, nous trouverons une nourriture dans l’espérance. C’est un pain de douleur, mais qui n’est pas sans délices. L’Épouse féconde c’est l’Église, et les parois de la maison ceux qui s’attachent au Christ. Ce fut du côté d’Adam, que fut tirée Eve, comme l’Église du côté du Christ. Elle est féconde dans ceux qui s’attachent au Christ, et qui sont comme sou Épouse, comme sa mère, tandis qu’il a, dans ceux que l’Église enfante, comme des frères et des sœurs Ces fils seront comme des oliviers, ou pacifiques. Voilà les bénédictions, mais de Sion ; quant aux biens temporels, Dieu les donne aussi aux animaux ces biens ne sont pas en quelque sorte, puisqu’ils ne demeurent point. Nous les verrons de l’œil de l’âme, qui voit même séparée du corps. Ces biens s’acquièrent par la patience dans la persécution, et se résument dans la paix de la véritable Jérusalem.


1. Voici, mes bien-aimés, une parole de l’Apôtre : « Nous communiquons les biens spirituels aux hommes qui vivent selon l’Esprit ; mais l’homme animal ne comprend point les choses qui sont selon l’esprit de Dieu[1] » ; cette parole nous fait craindre que ceux qu’il appelle ainsi, et qui ne comprennent point ce qui vient de l’esprit de Dieu, ne soient scandalisés plutôt qu’édifiés par notre psaume. Quoique nous l’ayons déjà entendu quand on le chantait, je veux néanmoins, comme il est court, le lire en courant et sans m’y arrêter pour l’expliquer. Voyez bien ce qu’il contient. Si un homme souhaitait comme un grand bonheur les biens dont il est parlé dans ce psaume, et que le Seigneur les lui refusât, non par abandon, mais par un plus grand amour pour lui ; et ces mérites biens que notre psaume promet comme la récompense de ceux qui aiment le Seigneur, s’il les voyait en abondance entre les mains de ceux qui ne le craignent pas, ses pieds alors chancelleraient, sa marche serait peu assurée, et il dirait dans son âme qu’en vain il a craint le Seigneur, puisqu’il n’a pas mérité d’obtenir

  1. 1 Cor. 2,13-14