Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/721

Cette page n’a pas encore été corrigée

et le mettre à mort vont arriver ? « A-t-il » donc « été glorifié maintenant », parce qu’il va être humilié plus profondément ; parce qu’il est sur le point d’être lié, jugé, condamné, bafoué, crucifié, mis à mort ? Est-ce là une glorification ? n’est-ce pas plutôt une humiliation ? Pourtant, en nous faisant le récit des miracles que le Sauveur opérait, Jean ne nous a-t-il pas dit de lui : « L’Esprit-Saint n’avait pas été donné, parce que Jésus a n’avait pas encore été glorifié [1] ? » Il n’avait pas encore été glorifié lorsqu’il ressuscitait des morts ; et maintenant qu’il va être mis lui-même au nombre des morts, est-il glorifié ? Il n’avait pas été glorifié, lorsqu’il agissait en Dieu ; et il est glorifié lorsqu’il va souffrir comme un autre homme ? Il serait bien étonnant que ce fût là ce que le divin Maître voulait nous enseigner et nous apprendre par ces paroles. Pénétrons plus avant dans ce langage du Très-Haut, car il se montre quelque peu, pour que nous le trouvions, et il se cache ensuite pour que nous le cherchions, et que nous nous efforcions, à chaque pas, d’avancer de découvertes en découvertes. J’entrevois quelque chose qui nous figure un grand mystère. Judas est sorti, et Jésus a été glorifié ; le fils de perdition est sorti, et le Fils de l’homme a été glorifié. Il était sorti, celui pour qui avaient été dits ces mots : « Vous « êtes purs, mais non pas tous[2] ». Celui qui était impur étant sorti, il ne resta que ceux qui étaient purs, et ils demeurèrent avec celui qui les avait purifiés. C’est ce qui arrivera lorsque ce monde, vaincu par Jésus-Christ, aura passé, et que dans le peuple du Christ il ne restera personne d’impur. L’ivraie sera alors séparée du bon grain, et les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père [3]. Le Seigneur prévoyait qu’il en devait être ainsi, et il voulait nous en montrer l’emblème dans la personne de Judas, qui s’éloignait comme l’ivraie qu’on sépare ; et dans celle des Apôtres fidèles, qui restaient comme le bon grain. « Maintenant », dit-il, « le Fils de l’homme a été glorifié ». C’est comme s’il disait : Voilà ce qui arrivera au moment de ma glorification ; pas un des méchants ne sera admis avec moi, et pas un des bons n’en sera séparé. Il ne dit pas : Voilà l’image de la glorification du Fils de l’homme ; mais bien : « Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié ». De même que l’Apôtre ne dit pas : La pierre signifiait Jésus-Christ ; mais bien : « La pierre était Jésus-Christ [4] », il n’est pas écrit non plus : La bonne semence signifiait les enfants du royaume, ou bien, l’ivraie signifiait les enfants du méchant ; mais bien : « La bonne semence, ce sont les fils du royaume et l’ivraie, les fils des méchants [5] ». Aussi, comme, dans l’Écriture, les choses représentées sont ordinairement appelées du nom de celles qui les représentent, le Sauveur s’est exprimé de la sorte, lorsqu’il a dit : « Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié ». Alors le méchant s’était éloigné, et les Apôtres fidèles étaient restés seuls avec lui, et par là se trouvait représentée sa glorification, telle qu’elle aura lieu quand, après la dernière séparation des méchants, il restera avec les saints dans l’éternité.
3. Lorsque le Seigneur eut dit : « Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié », il ajouta : « Et Dieu a été glorifié en lui ». De fait, la glorification du Fils de l’homme consiste en ce que Dieu soit glorifié en lui. Car s’il ne se glorifie pas en lui-même, mais si Dieu est glorifié en lui, alors Dieu le glorifie en lui-même ; c’est ce qu’il explique quand il ajoute et dit : « Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même ». C’est-à-dire, « si Dieu a été glorifié en lui », parce qu’il n’est pas venu faire sa volonté, mais la « volonté de celui qui l’a envoyé, Dieu aussi le glorifiera en lui-même », et la nature humaine, dont le Fils de l’homme est participant, et dont s’est revêtu le Verbe éternel, sera gratifiée de l’éternité immortelle. « Et bientôt », dit-il, « il le glorifiera ». Par ces mots, il prédit sa résurrection, qui ne devait pas, comme la nôtre, se trouver différée jusqu’à la fin du monde, mais qui devait avoir lieu immédiatement. Telle est cette glorification dont notre Évangéliste avait déjà parlé dans un passage que je viens de vous rappeler. L’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné à ses disciples de la manière nouvelle dont il devait être donné après sa résurrection à ceux qui croiraient en lui ; en voici la raison : c’est que Jésus-Christ n’avait pas encore été glorifié ; c’est-à-dire que sa mortalité n’avait pas encore été revêtue d’immortalité, et que sa faiblesse temporelle n’avait pas été

  1. Jn. 7, 39
  2. Id. 13, 10
  3. Mt. 13, 43
  4. 1 Cor. 10, 4
  5. Mt. 13, 38