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qu’il a acceptées ! ô parole qui ne demande pas le châtiment du traître, mais qui montre le prix de la rédemption ! Il dit : « Ce que tu fais, fais-le promptement », non pour en arriver plus vite à punir le perfide, mais pour hâter le salut des fidèles. Car il a été livré à cause de nos péchés [1] ; il a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle [2]. Ce qui a fait dire à l’Apôtre, en parlant de lui-même : « Il m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi[3] ». Si donc Jésus-Christ ne s’était livré lui-même, personne n’aurait pu le livrer. Que revient-il à Judas, sinon son péché ? Car, en livrant Jésus-Christ, il ne pensait pas à notre salut, pour lequel Jésus-Christ se livrait lui-même ; il ne songeait qu’au gain de son argent, et il a trouvé la perte de son âme. Il a reçu la récompense qu’il avait désirée ; mais sans l’avoir désiré, il a reçu aussi le châtiment qu’il méritait. Judas a livré Jésus-Christ, et Jésus-Christ s’est livré lui-même. Le premier ne travaillait qu’à l’affaire de son marché, Jésus travaillait à notre rachat : « Ce que tu fais, fais-le au plus tôt » ; non parce que tu le peux, mais parce que celui qui peut tout, le désire.
5. « Or, aucun de ceux qui étaient à table ne savait pourquoi il lui dit cela ; et comme Judas avait la bourse, quelques-uns pensaient que Jésus lui disait : « Achète ce qui nous est nécessaire, pour le jour de la fête, ou donne quelque chose aux pauvres ». Le Seigneur avait donc une bourse, et il conservait ce que lui offraient les fidèles, pour subvenir aux besoins de ceux qui le suivaient et des autres indigents. Ce sont les premiers vestiges des biens ecclésiastiques ; et par là nous devons comprendre qu’en recommandant de ne pas s’inquiéter du lendemain [4], Notre-Seigneur a voulu non pas défendre à ses fidèles de se réserver de l’argent, mais seulement leur apprendre à ne pas le servir par amour de l’argent, et à ne pas abandonner la justice par la crainte d’en manquer. L’Apôtre usait de cette prévoyance permise, car il disait : « Si quelque fidèle a des veuves, qu’il leur donne ce qui leur est nécessaire, afin que l’Église n’en soit pas grevée, et qu’elle puisse suffire à celles qui sont vraiment veuves[5] ».
6. « Judas ayant donc reçu ce morceau de pain, sortit aussitôt, et il était nuit ». Et celui qui sortit était lui-même la nuit. « Lors donc que fut sorti celui qui était la nuit, Jésus dit : Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié ». Le jour, alors adressa la parole au jour, c’est-à-dire Jésus-Christ parla à ses disciples, afin qu’ils l’écoutassent et le suivissent avec amour. Et la nuit apprit à la nuit à le connaître[6], c’est-à-dire Judas parla aux Juifs infidèles, afin qu’ils vinssent à lui et le poursuivissent pour s’en saisir. Mais le discours que le Seigneur adressa à ses fidèles, avant d’être pris par ces impies, demande un auditeur plus attentif ; c’est pourquoi il vaut mieux en renvoyer à une autre fois l’explication que le traiter précipitamment.

  1. Rom. 4, 25
  2. Eph. 5, 25
  3. Gal. 2, 20
  4. Mt. 6, 34
  5. 1 Tim. 5, 16
  6. Ps. 18, 3