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lorsqu’elle leur apprend comment elle est née. Mais pour aider les hommes à croire ce qu’ils ne peuvent encore comprendre, la vérité s’est adressée à eux par la bouche de l’humanité : elle leur a dit des paroles qui ont formé des sons et duré le temps voulu, et qui se sont ensuite évanouies. Mais les choses elles-mêmes, dont ces sons n’étaient que les signes, ont pénétré dans la mémoire de ceux qui ont entendu les sons ; elles sont arrivées aussi jusqu’à nous par le moyen des lettres qui sont des signes visibles. La vérité ne parle pas ainsi : aux âmes intelligentes elle parle inférieurement ; elle ne se sert point de sons pour les instruire, elle répand en elles une lumière qu’elles saisissent. Celui qui peut en elle voir l’éternité de sa naissance, l’entend parler comme le Père lui a dit de le faire. Par là elle excite en nous un grand désir de goûter sa douceur tout entière. Mais nous n’y réussissons qu’en grandissant ; nous ne grandissons qu’en marchant ; nous ne marchons qu’en avançant, et, par cela seul, nous devenons capables d’y arriver.

CINQUANTE-CINQUIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CE PASSAGE : « AVANT LE JOUR DE LA FÊTE DE PÂQUES JÉSUS SACHANT QUE SON HEURE ÉTAIT VENUE », JUSQU’À CET AUTRE : « ET IL SE MIT À LAVER LES PIEDS DE SES DISCIPLES ET À LES ESSUYER AVEC LE LINGE DONT IL ÉTAIT CEINT. (Chap. 13, 1-5)

LA PÂQUE.

La fête de Pâques, c’est-à-dire, du passage des Israélites dans la terre promise, était l’annonce et la figure du passage de Jésus-Christ de ce monde à son Père, de notre passage de l’état du péché à l’état de la grâce. En cette fête, le Sauveur, qui devait donner à ses disciples la preuve du plus sincère amour en mourant pour eux, se mit à laver leurs pieds, même ceux de Judas, continuant ainsi à pratiquer l’humilité manifestée dans son Incarnation.


1. Nous voici parvenus au récit que Jean nous fait de la cène du Seigneur. Nous devons, avec la grâce de Dieu, l’exposer convenablement et l’expliquer selon qu’il nous donnera de le faire. « Avant le jour de la fête de Pâques, Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin ». Le mot Pâque, mes frères, n’est pas, comme quelques-uns le pensent, un mot grec, mais bien un mot hébreu. Cependant il se présente très à propos sur ce mot une certaine concordance des deux langues. Comme souffrir, en grec, se dit pasxein, il semble que la passion est appelée Pâque, comme si ce nom indiquait les souffrances du Sauveur. Mais le mot Pâque, en sa propre langue, qui est la langue hébraïque, signifie passage. C’est pour cela que le peuple hébreu célébra la Pâque pour la première fois, lorsque, s’enfuyant d’Égypte, il passa la mer Rouge [1]. Maintenant donc cette figure prophétique est accomplie dans la vérité, puisque, comme un agneau, Jésus-Christ est conduit au lieu de son immolation [2] ; puisque son sang, qui teint nos portes, c’est-à-dire puisque le signe de la croix, dont nos fronts sont marqués, nous délivre de la corruption de ce siècle comme en quelque sorte de la mort et de la captivité d’Égypte [3] ; nous effectuons ce passage salutaire, lorsque, de l’empire du diable, nous passons à celui de Jésus-Christ, et que, de ce monde si fragile, nous passons à son royaume inébranlable. Nous passons vers Dieu qui demeure toujours, pour ne point passer avec le monde qui s’en va. Louant Dieu de cette grâce qu’il nous a faite, l’Apôtre dit de lui « qu’il nous a arrachés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour [4] ». L’Évangéliste donc, comme

  1. Ex. 14, 29
  2. Isa. 53, 7
  3. Ex. 12, 23
  4. Col. 1, 13