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il est Dieu de Dieu, Fils du Père, tandis que le Père n’est pas Dieu de Dieu, mais Dieu, Père du Fils. Maintenant, quand il dit : « Celui qui croit en moi, croit non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé », comment l’entendrons-nous, sinon que l’homme apparaissait aux hommes, tandis que le Dieu leur restait caché ? Et pour ne pas laisser croire qu’il n’était que ce qu’on voyait, pour qu’on le reconnût semblable au Père et aussi grand que lui, il dit : « Celui qui croit en moi, croit non pas en moi », c’est-à-dire ne croit pas en ce qu’il voit, « mais en celui qui m’a envoyé », c’est-à-dire en Dieu le Père. Mais celui qui croit au Père doit croire qu’il est Père, et celui qui le reconnaît comme Père, doit croire qu’il a un fils. Et par là, celui qui croit au Père est obligé de croire au Fils. Mais il fallait qu’on n’attribuât pas au Fils unique ce qui regarde les hommes appelés enfants de Dieu par privilège de la grâce, mais non par nature, comme dit notre Évangéliste : « Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu [1] », et comme le prouve cette parole écrite dans la loi et qu’a rappelée Notre-Seigneur : « J’ai dit : vous êtes des dieux, et vous êtes tous les enfants du Très-Haut [2] ». C’est pourquoi il s’écria : « Celui qui croit en moi, ne croit pas en moi », de peur que la foi qu’on avait en Jésus-Christ s’arrêtât à son humanité. Celui-là, dit-il, croit en moi, qui ne croit pas en moi d’après ce qu’il voit en moi, mais qui croit en celui qui m’a envoyé. Ainsi, lorsqu’il croit au Père, il croit qu’il a un fils qui lui est égal, et alors il croit véritablement en moi. Car, si selon lui Dieu n’a de fils que selon la grâce, des fils qui sont, il est vrai, ses créatures, mais qui ne sont pas son Verbe, mais qui ont été faites par son Verbe ; s’il croit que Dieu n’a pas un fils semblable à lui-même et coéternel à lui, né dès toujours, et comme lui immuable, en rien dissemblable ou différent de lui-même, celui-là ne croit pas au Père qui l’a envoyé ; car tout autre est le Père qui l’a envoyé.
3. Aussi, après avoir dit : « Celui qui croit en moi ne croit pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé », et de peur qu’on ne crût qu’il voulait parler de son Père seulement comme Père des nombreux enfants qu’a régénérés sa grâce, et non comme Père d’un Verbe unique et semblable à lui-même, aussitôt il ajouta : « Et celui qui me voit, voit Celui qui m’a envoyé ». Il ne dit pas : celui qui me voit, voit non pas moi, mais Celui qui m’a envoyé, ainsi qu’il venait de dire : « Celui qui croit en moi, croit non pas en moi, mais en Celui qui m’a envoyé ». Ces dernières paroles, il les avait dites de peur qu’on ne crût qu’il n’était que ce qu’il paraissait au-dehors, c’est-à-dire Fils de l’homme ; les paroles précédentes, il les avait dites afin qu’on le crût égal à son Père. Celui qui croit en moi, dit-il, ne croit pas en celui qu’il voit en moi, mais il croit en Celui qui m’a envoyé. Et quand il croit au Père qui m’a engendré égal à lui-même, ce n’est pas en moi comme il me voit qu’il doit croire en moi, mais comme en Celui qui m’a envoyé. Il est si vrai qu’il n’y a, entre lui et moi, aucune différence, que celui qui me voit, voit Celui qui m’a envoyé. Les Apôtres, assurément, ont été envoyés par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même ; leur nom lui-même en est l’indice. Car, de même que le mot grec ange veut dire, en latin, messager, le mot grec apôtre signifie envoyé dans la langue latine. Cependant, jamais un apôtre n’aurait osé dire : « Celui qui croit en moi croit, non pas en moi, mais en Celui qui m’a envoyé ». Il n’aurait pas même dit : « Celui qui croit en moi ». Nous croyons bien un apôtre, mais nous ne croyons pas en un apôtre. Car ce n’est pas l’apôtre qui justifie l’impie. Or, celui qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice [3]. Un apôtre pourrait dire : Celui qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé ; ou bien, celui qui m’écoute, écoute Celui qui m’a envoyé ; car le Seigneur a dit lui-même à ses Apôtres : « Celui qui « vous reçoit, me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé [4] ». Car le Maître est honoré dans la personne de son serviteur, et le Père dans celle de son Fils ; pourvu que l’on considère le Père comme étant dans le Fils, et le maître comme étant dans le serviteur. Mais le Fils unique a pu dire avec raison : « Croyez en Dieu et croyez en moi [5] », comme aussi il a pu dire ce qu’il dit maintenant : « Celui qui croit en moi, croit non pas en moi, mais en Celui qui m’a envoyé ». il ne voulait pas empêcher qu’on crût en lui, mais il ne voulait pas non plus que la foi

  1. Jn. 1, 12
  2. Id. 10, 34
  3. Rom. 4, 5
  4. Mt. 10, 40
  5. Jn. 14, 1