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Fils unique de Dieu le Père, n’est pas un membre du corps de son Père, il n’est pas davantage une parole qui n’existe que dans la pensée ou dans les sons, et qui passe. Car, lorsque toutes choses ont été faites par lui, il était déjà le Verbe de Dieu.
3. Lors donc que nous entendons dire que le Fils de Dieu est le bras du Père, écartons de nous toute idée charnelle ; mais, autant que nous le pourrons avec le secours de sa grâce, représentons-nous la puissance de Dieu et sa sagesse par laquelle toutes choses ont été faites. Car ce bras n’est pas comme un bras humain qui s’allonge si on l’étend, et qui se raccourcit quand on le retire. Il n’est pas le même que le Père ; mais le Père et lui sont une même chose : il est égal au Père et tout entier partout comme le Père. Ne donnons aucun prétexte à la détestable erreur de ceux qui disent que le Père est seul, mais que selon ses différentes opérations il est appelé tantôt le Fils, tantôt le Saint-Esprit ; et qui à propos de ces paroles osent dire Vous voyez bien que le Père est seul, puisque le Fils c’est le bras du Père ; car l’homme et son bras ne sont pas deux, mais une seule personne. Il y a une chose qu’ils ne comprennent pas et ne remarquent pas ; c’est que, dans la manière de parler journalière des choses visibles et connues, le nom d’une chose s’applique à d’autres à cause d’une certaine ressemblance ; à combien plus forte raison cela peut-il se faire quand il s’agit de choses ineffables et que nous ne pourrons jamais exprimer telles qu’elles sont. En effet, si un homme se sert d’un autre homme pour lui faire faire tout ce qu’il a à faire, il l’appelle son bras ; et si cet homme lui est enlevé, il dit en se plaignant : J’ai perdu mon bras ; et il dit à celui qui l’en a privé : Tu m’as enlevé mon bras. Que les hérétiques comprennent donc de quelle façon le Fils de Dieu est appelé le bras par lequel le Père a fait toutes choses ; de peur que, s’ils ne l’entendent point et s’ils demeurent dans les ténèbres de leur erreur, ils ne soient semblables à ces Juifs dont il a été dit : « Et le bras du Seigneur, à qui a-t-il été révélé ? »
4. Ici se présente une autre question que ni nos forces, ni les limites du temps qui nous presse, ni même votre capacité ne nous permettent de traiter convenablement, ni de sonder jusque dans ses replis les plus cachés, ni de discuter comme elle le mériterait. Cependant, comme l’attente où vous êtes qu’on vous en dise quelque chose ne nous permet point de puiser immédiatement à un autre sujet, contentez-vous de ce que nous pourrons vous dire ; et lorsque nous ne remplirons pas votre attenté, demandez l’accroissement à Celui qui nous a envoyé vers vous pour planter et arroser. Car, comme dit l’Apôtre, « celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose ; mais Dieu, qui donne l’accroissent [1] ». Il y en a donc qui murmurent entre eux, et quand ils le peuvent ils disent hautement dans leurs disputes emportées : Qu’ont fait les Juifs et quelle a été leur faute, s’il était nécessaire que « s’accomplît la parole du prophète Isaïe : Seigneur, qui a cru à notre parole ? et le bras de Dieu, à qui a-t-il été révélé ? » À ceux-là nous répondons : Le Seigneur, qui connaît l’avenir, a fait prédire par son Prophète l’infidélité des Juifs ; il l’a prédite, mais ne l’a pas causée. Car Dieu ne force personne à pécher par cela même qu’il connaît déjà les péchés futurs des hommes. Les péchés qu’il a prévus sont à eux, et non à lui ; ce n’est point la propriété d’autrui, c’est la leur. Autrement, si les péchés qu’il a prévus comme leur appartenant n’étaient pas à eux, alors il n’aurait pas prévu la vérité ; mais sa prescience ne peut se tromper, par conséquent, et sans aucun doute, ce ne sera pas un autre qui péchera, mais bien ceux que Dieu a prévus devoir pécher. Les Juifs ont donc fait un péché sans y être contraints par Celui à qui le péché déplaît. Mais Celui à qui rien n’est caché l’avait prévu. C’est pourquoi s’ils avaient voulu faire non le mal, mais le bien, rien ne les en aurait empêchés ; mais Dieu aurait prévu qu’ils le feraient, car il sait d’avance ce que chacun doit faire et recevoir de lui en récompense de ses œuvres.
5. Mais les paroles suivantes de notre Évangile nous gênent davantage et rendent la question plus difficile à résoudre. Car il ajoute : « C’est pourquoi ils ne pouvaient croire ; car Isaïe dit encore : Il a aveuglé leurs yeux et endurci leurs cœurs, afin qu’ils ne voient point des yeux, qu’ils ne comprennent point du cœur, qu’ils ne se convertissent point, et que je ne puisse les guérir ». Là-dessus on nous dit : Puisqu’ils

  1. 1 Cor. 3, 7