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par ces mots : « Il sera jeté dehors ». Mais comme, après avoir dit : « Maintenant le jugement du monde va se faire », il ajoute, pour expliquer ces paroles : « Maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors », il faut entendre ce passage d’une chose qui doit se faire présentement, et non pas d’une chose qui ne doit arriver qu’au dernier jour. Le Seigneur prédisait donc ce qu’il savait, c’est qu’après sa passion et sa résurrection glorieuse, beaucoup de peuples, dont le cœur appartenait au diable, croiraient en lui. En effet, quand par la foi ils renonceraient à lui, le diable devait être mis dehors.
8. Mais, dira quelqu’un : Est-ce qu’il n’avait pas été chassé du cœur des patriarches, des Prophètes et des justes de l’Ancien Testament ? Oui, sans doute. Pourquoi donc est-il dit : « Maintenant il va être chassé dehors ? » Je ne pense pas que ce soit pour une autre raison que celle-ci : il n’avait été alors chassé que de quelques hommes, tandis qu’il allait être chassé d’un grand nombre de peuples considérables. Ailleurs il est dit : « L’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié [1] ». Ce passage donne lieu à la même question, et doit être expliqué dans le même sens. Car ce n’est pas sans le Saint-Esprit que les Prophètes ont fait leurs prédictions ; ce n’est pas sans le même Esprit que le vieillard Siméon et Anne la veuve ont reconnu l’enfant Jésus [2] ; ce n’est pas non plus sans lui qu’après sa conception, mais avant sa naissance, Zacharie et Elisabeth ont annoncé de Jésus-Christ de si grandes choses[3]. Et cependant « l’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné », c’est-à-dire avec cette abondance de grâce spirituelle qui faisait parler à plusieurs peuples, réunis ensemble, la langue particulière à chacun d’eux[4], et annoncer dans la langue de toutes les nations l’Église qui allait venir ; cette grâce spirituelle devait réunir toutes les nations, remettre les péchés dans toutes les contrées, et réconcilier avec Dieu des milliers d’hommes.
9. Mais, dira quelqu’autre : Si le diable a été mis hors du cœur des fidèles, il ne doit plus tenter aucun d’entre eux ? Or, il ne cesse de tenter. Mais autre chose est de commander à l’intérieur, autre chose est d’attaquer au-dehors. La plus forte place peut être assiégée par l’ennemi, sans être, pour cela, emportée d’assaut ; et si quelques-uns des traits qu’il nous lance arrivent jusqu’à nous, l’Apôtre nous apprend à nous en garantir ; il nous montre, dans la foi, une cuirasse et un bouclier [5], et si quelque trait vient à nous blesser, il y a là quelqu’un pour nous guérir. Il est dit à ceux qui combattent : « Je vous écris ces choses, afin que vous ne péchiez point ». Il est dit également à ceux qui sont blessés« Et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, c’est Jésus-Christ le juste ; il est lui-même la victime de propitiation pour nos péchés[6] ». Que demandons-nous, en effet, lorsque nous disons « Pardonnez-nous nos offenses », sinon que nos blessures soient guéries ? Et que demandons-nous encore lorsque nous disons : « Ne nous induisez point en tentation[7] », sinon que celui qui nous tend des pièges et attaque notre cœur au-dehors ne puisse y pénétrer par ruse, ni s’en emparer à force ouverte ? Mais quelles que soient les machines qu’il dresse contre nous, tant qu’il ne possède pas la place de notre cœur où réside la foi, il est mis dehors. Mais si le Seigneur ne garde lui-même une cité, c’est inutilement que veille celui qui la garde [8]. Ne comptez donc pas trop sur vous-mêmes, si vous ne voulez pas voir rentrer dans votre cœur le diable qui en a été chassé.
10. Mais loin de nous la pensée d’appeler le diable prince de ce monde, en ce sens que nous le regardions comme gouvernant le ciel et la terre. Le monde ici désigne les méchants qui sont répandus par tout l’univers, comme on dit une maison pour désigner ceux qui l’habitent. Ainsi nous disons : C’est une bonne ou une méchante maison, non pas que nous voulions prononcer un éloge ou un blâme sur l’état des murailles et des toits ; nous ne prétendons alors qu’exprimer notre avis au sujet des mœurs bonnes ou mauvaises des hommes qui l’habitent. Le diable est donc appelé en ce sens : « Prince de ce monde » ; c’est-à-dire qu’il est le prince de tous les méchants qui habitent le monde. Par le monde on désigne aussi les bons qui, eux aussi, sont répandus dans tout l’univers ; c’est ainsi que l’Apôtre a dit : « Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde [9] ».


par ces mots : « Il sera jeté dehors ». Mais comme, après avoir dit : « Maintenant le jugement du monde va se faire », il ajoute, pour expliquer ces paroles : « Maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors », il faut entendre ce passage d’une chose qui doit se faire présentement, et non pas d’une chose qui ne doit arriver qu’au dernier jour. Le Seigneur prédisait donc ce qu’il savait, c’est qu’après sa passion et sa résurrection glorieuse, beaucoup de peuples, dont le cœur appartenait au diable, croiraient en lui. En effet, quand par la foi ils renonceraient à lui, le diable devait être mis dehors.
8. Mais, dira quelqu’un : Est-ce qu’il n’avait pas été chassé du cœur des patriarches, des Prophètes et des justes de l’Ancien Testament ? Oui, sans doute. Pourquoi donc est-il dit : « Maintenant il va être chassé dehors ? » Je ne pense pas que ce soit pour une autre raison que celle-ci : il n’avait été alors chassé que de quelques hommes, tandis qu’il allait être chassé d’un grand nombre de peuples considérables. Ailleurs il est dit : « L’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié [10] ». Ce passage donne lieu à la même question, et doit être expliqué dans le même sens. Car ce n’est pas sans le Saint-Esprit que les Prophètes ont fait leurs prédictions ; ce n’est pas sans le même Esprit que le vieillard Siméon et Anne la veuve ont reconnu l’enfant Jésus [11] ; ce n’est pas non plus sans lui qu’après sa conception, mais avant sa naissance, Zacharie et Elisabeth ont annoncé de Jésus-Christ de si grandes choses[12]. Et cependant « l’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné », c’est-à-dire avec cette abondance de grâce spirituelle qui faisait parler à plusieurs peuples, réunis ensemble, la langue particulière à chacun d’eux[13], et annoncer dans la langue de toutes les nations l’Église qui allait venir ; cette grâce spirituelle devait réunir toutes les nations, remettre les péchés dans toutes les contrées, et réconcilier avec Dieu des milliers d’hommes.
9. Mais, dira quelqu’autre : Si le diable a été mis hors du cœur des fidèles, il ne doit plus tenter aucun d’entre eux ? Or, il ne cesse de tenter. Mais autre chose est de commander à l’intérieur, autre chose est d’attaquer au-dehors. La plus forte place peut être assiégée par l’ennemi, sans être, pour cela, emportée d’assaut ; et si quelques-uns des traits qu’il nous lance arrivent jusqu’à nous, l’Apôtre nous apprend à nous en garantir ; il nous montre, dans la foi, une cuirasse et un bouclier [14], et si quelque trait vient à nous blesser, il y a là quelqu’un pour nous guérir. Il est dit à ceux qui combattent : « Je vous écris ces choses, afin que vous ne péchiez point ». Il est dit également à ceux qui sont blessés« Et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, c’est Jésus-Christ le juste ; il est lui-même la victime de propitiation pour nos péchés[15] ». Que demandons-nous, en effet, lorsque nous disons « Pardonnez-nous nos offenses », sinon que nos blessures soient guéries ? Et que demandons-nous encore lorsque nous disons : « Ne nous induisez point en tentation[16] », sinon que celui qui nous tend des pièges et attaque notre cœur au-dehors ne puisse y pénétrer par ruse, ni s’en emparer à force ouverte ? Mais quelles que soient les machines qu’il dresse contre nous, tant qu’il ne possède pas la place de notre cœur où réside la foi, il est mis dehors. Mais si le Seigneur ne garde lui-même une cité, c’est inutilement que veille celui qui la garde [17]. Ne comptez donc pas trop sur vous-mêmes, si vous ne voulez pas voir rentrer dans votre cœur le diable qui en a été chassé.
10. Mais loin de nous la pensée d’appeler le diable prince de ce monde, en ce sens que nous le regardions comme gouvernant le ciel et la terre. Le monde ici désigne les méchants qui sont répandus par tout l’univers, comme on dit une maison pour désigner ceux qui l’habitent. Ainsi nous disons : C’est une bonne ou une méchante maison, non pas que nous voulions prononcer un éloge ou un blâme sur l’état des murailles et des toits ; nous ne prétendons alors qu’exprimer notre avis au sujet des mœurs bonnes ou mauvaises des hommes qui l’habitent. Le diable est donc appelé en ce sens : « Prince de ce monde » ; c’est-à-dire qu’il est le prince de tous les méchants qui habitent le monde. Par le monde on désigne aussi les bons qui, eux aussi, sont répandus dans tout l’univers ; c’est ainsi que l’Apôtre a dit : « Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde [18] ».

  1. Jn. 7, 39
  2. Lc. 2, 25-38
  3. Id. 1, 41-45, 67-69
  4. Act. 2, 4-6
  5. 1 Thes. 5, 8
  6. 1 Jn. 1, 2
  7. Mt. 6, 12-13
  8. Ps. 126, 1
  9. 2 Cor. 5, 19
  10. Jn. 7, 39
  11. Lc. 2, 25-38
  12. Id. 1, 41-45, 67-69
  13. Act. 2, 4-6
  14. 1 Thes. 5, 8
  15. 1 Jn. 1, 2
  16. Mt. 6, 12-13
  17. Ps. 126, 1
  18. 2 Cor. 5, 19