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au moment où il est né d’une vierge, lorsqu’il a opéré des miracles, lorsque les mages, conduits par l’étoile qui marchait dans le ciel, sont venus l’adorer ; lorsqu’il a été reconnu par les saints remplis du Saint-Esprit ; lorsque, pour le montrer, l’Esprit-Saint est descendu sur lui en forme de colombe, et qu’une voix descendue du ciel l’a fait connaître ; lorsqu’il a été transfiguré sur la montagne ; lorsqu’il a fait tant de miracles, qu’il a guéri et soulagé tant de malades, qu’avec quelques pains il a nourri toute une multitude, lorsqu’il a commandé aux vents et aux flots, lorsqu’il a ressuscité les morts. « Et je le glorifierai de nouveau », lorsqu’il ressuscitera d’entre les morts, et que la mort n’aura plus aucune puissance sur lui, lorsque comme Dieu, il sera élevé au plus haut des cieux, et que sa gloire sera répandue sur toute la terre.
5. « Or, la foule, qui était là et qui avait entendu, disait que c’était un coup de tonnerre ; d’autres disaient : Un ange lui a parlé. Jésus leur répondit en ces termes : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est fait entendre, mais pour vous ». Il montra par là que cette voix ne lui avait pas appris ce qu’il savait déjà, mais l’avait appris à ceux qui en avaient besoin ; de même que ce ne fut pas pour lui, mais pour les autres, que Dieu fit entendre cette voix, de même encore ce ne fut pas à cause de lui, mais pour les autres, que son âme se troubla volontairement.
6. Remarque ce qui suit : « Maintenant », dit-il, « voici le jugement du monde ». Que reste-t-il donc à attendre pour la fin du monde ? Le jugement que nous attendons pour la fin du monde sera le jugement des vivants et des morts, le jugement qui décidera des récompenses et des peines éternelles. Quel est donc ce jugement qui a lieu maintenant ? Déjà, dans les discours précédents, j’ai dit à votre charité aussi bien qu’il m’a été possible de le faire, qu’il y a un jugement de condamnation et un jugement de discernement ; c’est de ce dernier qu’il est écrit : « Jugez-moi, mon Dieu, et séparez ma cause de celle de la nation impie [1] ». 2 y a, en effet, plusieurs jugements de Dieu ; c’est pourquoi il est dit dans les psaumes : « Vos jugements sont un abîme profond[2] ». L’Apôtre dit aussi : « O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont impénétrables [3] ». Au nombre de ces jugements se trouve celui dont parle ici le Sauveur : « Maintenant se fait le jugement du monde » ; et il réserve pour la fin des temps celui où, pour la dernière fois, seront jugés les vivants et les morts. Le diable possédait pour ainsi dire le genre humain et menaçait les hommes des supplices auxquels les condamnaient leurs péchés. Il régnait dans les cœurs des infidèles ; il les trompait et les retenait captifs, il les poussait à rendre à la créature le culte qu’il leur faisait refuser au Créateur. Mais par la foi en Jésus-Christ, foi qui a été affermie par sa mort et sa résurrection ; par le sang du Sauveur répandu pour la rémission des péchés, des milliers de croyants sont délivrés du joug du diable et unis au corps de Jésus-Christ ; sous l’autorité d’un, seul chef, ils forment les membres d’un même corps et son esprit leur donne la sève de la grâce, qui entretient en eux la vie. Ce qu’il appelait jugement, c’était ce discernement, cette délivrance des siens qu’il allait soustraire à l’empire du diable.
7. Enfin, écoute ce qu’il dit, comme si on lui demandait à connaître le sens de cette parole : « Maintenant le jugement du monde va se faire » ; il l’explique, car il ajoute : « Maintenant le prince de ce monde sera mis dehors ». Nous avons vu de quel jugement il voulait parler ; il n’était pas question de celui qui doit arriver à la fin des siècles, et où seront jugés les vivants et les morts, les uns étant placés à droite, les autres à gauche. Mais il s’agissait du jugement en vertu duquel « le prince de ce monde sera mis dehors ». Mais comment le diable était-il dedans, et où devait-il être envoyé après avoir été mis dehors ? Était-il dans le monde, et a-t-il été chassé hors du monde ? S’il s’agissait du jugement qui doit arriver à la fin des siècles, on pourrait croire que le Christ veut parler du feu éternel où le diable doit être envoyé avec ses anges et tous ceux qui lui appartiennent, non par leur nature, mais par leur faute, non parce qu’il les a créés ou engendrés, mais parce qu’il les a séduits et s’en est rendu maître ; on pourrait, dis-je, penser que ce feu éternel se trouve hors du monde, et que c’est ce qu’il a voulu nousdire

  1. Ps. 42, 1
  2. Id. 35, 7
  3. Rom. 11, 33