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dire : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ». Mais à quel prix ? quel salaire, quelle récompense promet-il ? « Et où je serai », dit-il, « là aussi sera mon serviteur ». Aimons-le donc sans espérer d’autre récompense de notre service que celle d’être avec lui. Car où sera-t-on bien sans lui, et quand pourra-t-on être mal avec lui ? Écoutez, voici qui est plus clair encore : « Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera ». De quel privilège, sinon du privilège d’être placé à côté de son Fils ? Ce qu’il dit en effet plus haut : « Où je serai, là sera aussi mon serviteur », c’est ce qu’il veut expliquer quand il dit : « Mon Père l’honorera ». Quel plus grand honneur pourra recevoir le fils adoptif, que celui d’être où est le Fils unique, et d’être non pas égal à sa divinité, mais associé à son éternité ?
12. Mais qu’est-ce que servir Jésus-Christ ? À quelle œuvre promet-il une si grande récompense ? Voilà bien ce que nous devons de préférence chercher à savoir. Il ne faut pas nous imaginer que servir Jésus-Christ, c’est lui préparer les choses nécessaires à son corps, comme le servir à table et lui préparer à manger, ou bien lui offrir à boire et préparer sa boisson. Ceux-là seuls ont pu le servir ainsi, qui ont pu le posséder en personne, comme Marthe et Marie, lorsque Lazare était, avec d’autres, à la même table que lui. Judas lui-même, cet homme perdu, a aussi servi Jésus-Christ de cette manière ; car c’était lui qui tenait l’argent, et quoique ce scélérat dérobât une partie de ce qui lui était confié, il pourvoyait néanmoins au nécessaire [1]. Aussi quand le Seigneur lui dit : « Ce que tu fais, fais-le promptement », quelques disciples pensèrent qu’il lui ordonnait de préparer ce qui était nécessaire pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres[2]. En aucune façon le Seigneur ne dirait donc de ces serviteurs : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur » ; et encore : « Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » ; puisque Judas, qui l’avait servi de cette manière, a été réprouvé au lieu d’être honoré. Mais pourquoi chercher ailleurs ce que c’est que servir Jésus-Christ, et ne pas interroger plutôt ses propres paroles ? Quand il dit : « Si quelqu’un me a sert, qu’il me suive », nous devons l’entendre comme s’il disait : Si quelqu’un ne me suit pas, il ne me sert point. Ceux-là donc servent Jésus-Christ, qui ne cherchent pas leurs propres intérêts, mais les siens propres [3]. Car, « qu’il me suive » veut dire qu’il marche dans mes voies et non dans les siennes, ainsi qu’il est écrit ailleurs : « Celui qui dit qu’il demeure en Jésus-Christ, doit marcher lui-même, comme Jésus-Christ a marché [4] ». Il doit donc, s’il donne du pain à celui qui a faim, le faire par un sentiment de miséricorde, et non par vanité ; il doit ne rechercher que la bonne œuvre, et sa main gauche doit ignorer ce que fait sa main droite [5]. C’est-à-dire : il lui faut éloigner tout sentiment de cupidité de cette œuvre de charité. Celui qui sert ainsi, sert vraiment Jésus-Christ, et c’est à lui que s’adresseront ces paroles : « Quand tu as fait cela au plus petit de mes frères, c’est à moi que tu l’as fait[6] ». Et non seulement les œuvres de miséricorde corporelle, mais toutes les bonnes œuvres faites pour Jésus-Christ, (car alors elles sont vraiment bonnes, puisque « Jésus-Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croiront[7] ». Toutes ces œuvres nous rendront serviteurs de Jésus-Christ, au point de nous faire accomplir cette œuvre de charité parfaite, qui consiste à donner sa vie pour ses frères ; car c’est la donner pour Jésus-Christ. Et c’est d’eux, comme ses membres, qu’il dira : Quand tu as fait cela pour eux, c’est pour moi que tu l’as fait. C’est pour une telle œuvre qu’il a daigné le faire et se nommer lui-même serviteur, puisqu’il a dit : « Comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour plusieurs[8] ». Ainsi chacun de nous deviendra serviteur de Jésus-Christ, par ce qui a fait de Jésus-Christ notre serviteur. Et celui qui servira ainsi Jésus-Christ, son Père l’honorera d’un honneur si grand, qu’il le placera avec son Fils, et que son bonheur ne finira jamais.
13. Lors donc, mes frères, que vous entendez dire à Notre-Seigneur : « Où je suis, là aussi sera mon serviteur », ne vous imaginez pas qu’il ne s’agisse que des saints évêques et des bons clercs. Vous aussi, selon la mesure de vos moyens, servez Jésus-Christ en vivant bien, en faisant des aumônes, et en prêchant son nom et sa doctrine à tous ceux

  1. Jn. 12, 2, 6
  2. Id. 13, 27, 29
  3. Phil. 2, 21
  4. 1 Jn. 2, 6
  5. Mt. 6, 3
  6. Id. 25, 40
  7. Rom. 10, 4
  8. Mt. 20, 28