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la mort de la croix [1]. Mais il ne perd pas sa nature divine, quand il nous enseigne l’humilité : par la divinité, il est égal au Père ; par l’humilité, il nous est semblable. En tant qu’il est égal au Père, il nous a créés pour nous faire exister ; en tant qu’il nous est semblable, il nous a rachetés pour ne pas nous laisser périr.
4. La foule lui adressait ces louanges « Hosanna, béni soit le roi d’Israël qui vient au nom du Seigneur ». Quel cruel tourment de cœur devaient souffrir dans leur envie les princes des Juifs, quand une si grande multitude proclamait roi Jésus-Christ ? Mais qu’était-ce pour le Seigneur que d’être roi d’Israël ? Quel avantage y avait-il pour le roi des siècles de devenir roi des hommes ? Jésus-Christ n’était pas roi d’Israël pour exiger des tributs, pour former des armées et combattre des ennemis visibles : il était roi d’Israël pour gouverner les âmes, préparer les biens éternels et conduire au royaume des cieux ceux qui croient et espèrent en lui et qui l’aiment. Le Fils de Dieu égal au Père, le Verbe par qui toutes choses ont été faites, a voulu être roi d’Israël, mais c’est par condescendance et non pour s’élever : c’est de sa part une marque de bonté, et non pas une augmentation de pouvoir. Car celui qu’on appelait, sur la terre, roi des Juifs, est dans les cieux le Seigneur des anges.
5. « Et Jésus trouva un ânon et s’assit dessus ». Jean rapporte ce fait en peu de mots : pour les autres Évangélistes, ils racontent très au long comment la chose se fit[2] ; seulement Jean cite le passage du prophète qui a prédit cet événement, afin de montrer que c’était par malice que les princes des Juifs ne reconnaissaient pas Celui en qui s’accomplissait ce qu’ils lisaient. « Jésus trouva » donc « un ânon et s’assit dessus, ainsi qu’il est écrit : Ne crains point, fille de Sion, voici ton roi qui vient assis sur le poulain d’une ânesse ». Au milieu de ce peuple était donc la fille de Sion ; et Sion, c’est Jérusalem. Dans ce peuple, dis-je, réprouvé et aveugle, était la fille de Sion, à qui le Prophète avait dit : « Ne crains point, voici ton roi qui vient assis sur le poulain d’une ânesse ». Cette fille de Sion, à qui Dieu faisait dire ces paroles, était du nombre de ces brebis qui écoutaient la voix du pasteur ; elle se trouvait dans cette multitude qui louait avec tant d’énergie le Seigneur pendant sa marche et l’accompagnait en si grande foule. Le Prophète lui dit : « Ne crains pas », reconnais celui dont tu chantes les louanges, et ne te laisse pas intimider par ses souffrances, car ce sang qui est répandu est celui qui doit effacer ton péché et te rendre la vie. Ce poulain d’ânesse sur lequel personne ne s’était encore assis

(ainsi que nous le lisons dans les autres Évangélistes), représente les peuples Gentils, qui n’avaient point reçu la foi du Seigneur. L’ânesse (car l’un et l’autre furent amenés au Seigneur), l’ânesse figurait, la portion du peuple juif qui vint à Jésus, sans éprouver de sentiments tout à fait hostiles, et qui reconnut la crèche du Sauveur.
6. « Ses disciples ne comprirent point cela d’abord ; mais quand Jésus eut été glorifié », c’est-à-dire quand il eut montré la vertu de sa résurrection, « alors ils se rappelèrent que ces choses avaient été écrites de lui, et que les Juifs les avaient accomplies », c’est-à-dire ne lui avaient fait autre chose que ce qui avait été écrit de lui, repassant dans leur mémoire ce qui, d’accord avec l’Écriture, était arrivé avant ou pendant la passion du Seigneur. Ils trouvèrent que, d’après les Prophètes, il devait s’asseoir sur le poulain d’une ânesse.
7. « La foule qui était avec lui lorsqu’il appela Lazare du tombeau et le ressuscita d’entre les morts en rendait témoignage ; c’est pour cela que le peuple vint en foule au-devant de lui, parce qu’il savait qu’il avait fait ce miracle. Les Pharisiens se dirent donc les uns aux autres : Vous voyez bien que nous ne gagnons rien, voilà que tout le monde marche à sa suite ». La foule qui le suivait troubla la foule qui le haïssait. Mais pourquoi es-tu jalouse, foule aveugle, de ce que le monde marche après celui par qui le monde a été fait ?
8. « Quelques Gentils, de ceux qui étaient venus pour adorer au jour de la fête, s’approchèrent donc de Philippe, qui était de Bethsaïda, en Galilée, et le prièrent en disant : Seigneur, nous voudrions voir Jésus. Philippe alla le dire à André, et André et Philippe le dirent à Jésus ». Écoutons ce que le Seigneur répondit à cela : voilà que les Juifs veulent le tuer, les Gentils veulent le

  1. Phil. 2, 8
  2. Mt. 21, 1, 16 ; Marc, 11, 1-11 ; Luc, 19, 29-48