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quelques-uns d’entre eux dirent : Celui qui a ouvert les yeux de l’aveugle ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point ? » S’il n’a pas voulu faire qu’il ne mourût pas, c’est qu’il voulait faire quelque chose de plus, le retirer vivant du séjour de la mort.

22. « Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, vint vers le tombeau ». Qu’il frémisse aussi en toi, si tu te prépares à revivre. À tout homme, accablé par une mauvaise habitude, il est dit : « Jésus vint vers le tombeau. Or, c’était une grotte, et une pierre avait été placée au-dessus ». Le mort qui se trouve sous la pierre, c’est le pécheur sous la loi. Vous le savez, la loi donnée aux Juifs fut écrite sur la pierre[1]. Or, tous les pécheurs sont sous la loi ; ceux qui vivent bien sont avec la loi. La loi n’est point établie pour le juste[2]. Que veulent donc dire ces paroles : « Écartez la pierre ? » Elles veulent dire : prêchez la grâce. Car l’apôtre Paul se dit ministre du Nouveau Testament, non de la lettre, mais de l’esprit. « Car », dit-il, « la « lettre tue, et l’esprit vivifie[3] ». La lettre qui tue est comme une pierre qui écrase. « Écartez la pierre », dit-il, écartez le poids de la loi, prêchez la grâce. « Car, si la loi qui a été donnée pouvait vivifier, alors vraiment la justice viendrait de la loi. Mais la loi écrite a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût, par la foi en Jésus-Christ, donnée en ceux qui croient[4] » ; donc, « écartez la pierre ».

23. Marthe, la sœur de celui qui était mort, lui dit : « Seigneur, il sent déjà mauvais ; car il est là depuis quatre jours. Jésus lui dit : Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire, de Dieu ? » Qu’est-ce à dire, « tu verras la gloire de Dieu ? » C’est-à-dire que ce mort enterré depuis quatre jours, et déjà tombé en putréfaction, il va le ressusciter.« Car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu[5] », et, « là où a abondé le péché, la grâce aussi a surabondé[6] ».

24. « Ils enlevèrent donc la pierre, et Jésus, élevant les yeux en haut, dit : Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m’avez exaucé. Pour moi, je savais bien que vous m’exaucez toujours ; mais je l’ai dit à cause du peuple qui m’entoure, afin qu’ils croient que vous m’avez envoyé. Ayant dit ces mots, il cria à haute voix ». Il frémit, il pleure, il crie à haute voix. Qu’il a de peine à se lever celui qu’oppresse le poids d’une, mauvaise habitude ! Cependant il se lève ; une grâce cachée lui rend intérieurement la vie ; il se lève après avoir entendu ce grand cri,. Qu’arriva-t-il ensuite ? « Il s’écria à haute voix : Lazare, viens dehors. Et soudain le mort sortit, ayant les mains et les pieds liés avec des bandes et le visage enveloppé d’un suaire ». Tu t’étonnes qu’il ait marché les pieds liés, et tu n’es pas étonné qu’il soit ressuscité après quatre jours ? En ces deux faits agissait la puissance de Dieu, et non les forces du mort. Il marcha, et il était encore lié ; il était encore enveloppé, et cependant il sortit du tombeau qu’est-ce que cela signifie ? Quand tu violes la loi, tu es étendu mort ; et si tu la violes en choses graves, comme j’ai dit plus haut, tu es enseveli ; quand tu confesses tes péchés, tu sors. Qu’est-ce, en effet, que sortir, sinon sortir d’un lieu caché et se montrer ? Mais que tu confesses tes fautes, c’est Dieu qui le fait en te criant à haute voix, c’est-à-dire en t’appelant par une grande grâce. C’est pourquoi le mort qui s’avance encore lié, c’est le pécheur qui se confesse, mais qui est encore coupable ; et pour que ses péchés soient remis, le Seigneur dit à ses ministres : « Déliez-le et laissez-le aller ». Que veut dire : « Déliez-le et laissez-le aller ? Ce que vous aurez délie sur la terre sera délie dans le ciel[7] ».
25. « Plusieurs donc d’entre les Juifs qui étaient vénus vers Marie et avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui ; mais quelques-uns d’entre eux s’en allèrent vers les Pharisiens, et leur dirent ce qu’avait fait Jésus ». Tous ceux des Juifs qui étaient venus vers Marie ne crurent pas ; et cependant il y en eut beaucoup pour croire. « Mais quelques-uns d’entre eux », soit de ceux qui s’étaient rassemblés, soit de ceux qui avaient cru, « s’en allèrent vers les Pharisiens et leur dirent ce qu’avait fait Jésus » ; soit en leur annonçant ce prodige, pour les amener à croire eux-mêmes, soit plutôt pour le trahir et afin que les Pharisiens le poursuivissent. Mais n’importe par qui et de quelle manière la chose se fit, ce qui s’était passé fut rapporté aux Pharisiens.
26. « Les Pontifes et les Pharisiens assemblèrent le conseil, et ils disaient : Que faisons-nous ? » Ils ne disaient pas : Croyons, car ces hommes perdus, songeaient bien plus à nuire à Jésus et à le perdre qu’à prévoir comment ils éviteraient de périr eux-mêmes. Toujours est-il qu’ils craignaient et semblaient pourvoir à l’avenir. « Ils disaient » donc : « Que faisons-nous ? car cet homme opère beaucoup de miracles ; si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ils nous extermineront, nous et notre ville ». Ils craignaient de perdre les biens temporels, et ils ne pensaient pas à s’assurer la vie éternelle ; et ainsi ont-ils perdu l’une et l’autre. Car, après la passion et la glorification du Seigneur, les Romains leur enlevèrent et leur ville qu’ils prirent d’assaut, et leur nation qu’ils transportèrent ailleurs, et à eux s’applique ce qui a été dit en un autre endroit : « Les enfants de ce royaume iront dans les ténèbres extérieures[8] ». Le sujet de leur crainte était que si tous croyaient en Jésus-Christ, il ne restât personne pour défendre la cité de Dieu et le temple contre les Romains ; car ils pensaient que la doctrine de Jésus-Christ allait contre le temple et contre les lois de leurs pères.
27. « Mais l’un d’eux, Caïphe, le grand « prêtre de cette année, leur dit : Vous n’y connaissez rien, et vous ne considérez pas qu’il vous est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse point. Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais comme il était grand prêtre de cette année, il prophétisa ». Par là, nous apprenons que même les hommes méchants peuvent par l’esprit de prophétie annoncer les choses à venir. Cependant l’Évangéliste attribue ce dernier fait à un mystère tout divin ; car, dit-il, il était

  1. Ex. 31, 18
  2. 1 Tim. 1, 9
  3. 2 Cor. 3, 6
  4. Gal. 3, 21-22
  5. Rom. 3, 23
  6. Id. 5, 20
  7. Mt. 16, 19
  8. Mt. 8, 12