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quand, ni comment le Seigneur appela Marie ; mais il nous le fait comprendre par les paroles de Marthe, afin d’abréger son récit.
17. « Dès que Marie eut entendu, elle se leva aussitôt et vint vers lui. Car Jésus n’était pas encore arrivé dans le bourg, mais il se tenait au lieu même où Marthe s’était présentée à lui. Les Juifs donc qui étaient avec Marie dans la maison, et la consolaient, quand ils virent qu’elle s’était levée a si promptement et qu’elle était sortie, la suivirent en disant : Elle va au tombeau pour y pleurer ». Pourquoi l’Évangéliste a-t-il voulu nous raconter tout cela ? C’est pour nous faire voir par quelle occasion ils se trouvèrent présents en grand nombre, quand Lazare fut ressuscité. Les Juifs pensant qu’elle ne se précipitait au-dehors que pour chercher dans les larmes un soulagement à sa douleur, la suivirent, et cela se faisait pour qu’un miracle aussi grand que la résurrection d’un mort de quatre jours eût un grand nombre de témoins.
18. « Mais quand Marie fut venue où était Jésus, en le voyant elle tomba à ses pieds et lui dit : Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort. Jésus donc, voyant qu’elle pleurait et que les Juifs qui étaient avec elle pleuraient aussi, frémit en son esprit et se troubla lui-même, et il dit : Où l’avez-vous déposé ? » Je ne sais ce qu’il a voulu nous apprendre en frémissant dans son esprit, et en se troublant lui-même. Car d’où aurait pu venir son trouble, sinon de lui-même ? C’est pourquoi, mes frères, remarquez d’abord sa puissance, et cherchez ensuite ce qu’il a voulu signifier. Tu te troubles même quand tu ne le veux pas : Jésus-Christ s’est troublé parce qu’il l’a voulu. Jésus a eu faim, c’est vrai ; mais c’est qu’il l’a voulu. Jésus a dormi, c’est vrai ; mais c’est qu’il l’a voulu. Jésus a été triste, c’est vrai ; mais c’est qu’il l’a voulu. Jésus est mort, c’est vrai ; mais c’est qu’il l’a voulu. Il était en son pouvoir d’éprouver ces affections ou de ne les pas éprouver. Le Verbe a pris une âme et un corps, s’appropriant ainsi la nature de l’homme tout entier, dans l’unité d’une seule personne. Car l’âme de l’Apôtre a été éclairée par le Verbe ; l’âme de Pierre a été éclairée par le Verbe ; l’âme de Paul, les âmes des autres Apôtres et des saints Prophètes ont été éclairées par le Verbe ; mais d’aucune il n’a été dit : « Le Verbe s’est fait chair [1] » ; d’aucune il n’a été dit : « Mon Père et moi nous sommes un [2] ». L’âme et le corps de Jésus-Christ ne forment avec le Verbe de Dieu qu’une seule personne, un seul Christ ; et par là, comme en lui réside la souveraine puissance, il dispose de la partie faible selon sa volonté ; c’est pourquoi : « Il se troubla lui-même ».
19. Je vous ai montré la puissance du Christ, examinons ce qu’il a voulu nous faire entendre. Ce ne peut être qu’un grand coupable celui que représentent ces quatre jours de mort et de, sépulture. Pourquoi donc Jésus. Christ se trouble-t-il lui-même, sinon pour te montrer comme tu dois être troublé lorsque tu es chargé et accablé d’une si grande masse de péchés ? Tu t’es examiné, tu t’es reconnu coupable et tu as dit en toi-même : J’ai fait cela, et Dieu m’a épargné ; j’ai commis telle faute, et Dieu a différé de me punir ; j’ai entendu l’Évangile, et je l’ai méprisé ; j’ai reçu le baptême, et je suis retombé dans les mêmes fautes : que faire, où aller ? comment m’échapper ? Quand tu parles ainsi, déjà Jésus-Christ frémit en toi, car ta foi frémit, et dans la voix du frémissement, apparaît l’espérance de la résurrection. Si la foi est en nous, Jésus-Christ s’y trouve et frémit : si la foi est en nous, Jésus-Christ est en nous. L’Apôtre dit-il autre chose : « Jésus-Christ par la foi habite en nos cœurs[3] ? » Donc ta foi en Jésus-Christ, c’est Jésus-Christ dans ton cœur. De là vient qu’il dormait dans la barque, et ses disciples craignant de périr victimes du naufrage qui les menaçait, s’approchèrent de lui et l’éveillèrent. Jésus-Christ se leva, commanda aux vents et aux flots, et il se fit un grand calme[4]. Ainsi en est-il de toi : les vents entrent dans ton cœur, pendant que tu navigues et que tu traverses la vie comme une mer pleine de tempêtes et de dangers. Les vents entrent dans ta barque ; les flots l’agitent et la bouleversent. Quels sont ces vents ? On t’adresse une injure, tu te laisses aller à la colère l’injure, c’est le vent ; la colère, c’est le flot tu es en danger, car tu te disposes à répondre, tu te disposes à rendre malédiction pour malédiction ; déjà la barque est sur le point de sombrer. Eveille Jésus-Christ qui dort, car si tu t’emportes, si tu te prépares à

  1. Jn. 1, 11
  2. Id. 10, 30
  3. Eph. 3, 17
  4. Mt. 8, 24-26