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années seulement ; d’autres n’y sont pas encore. Mais quand ils s’éveilleront de ce sommeil, tous ensemble recevront ce qui a été promis.
11. « Lazare, notre ami, dort ; mais je vais pour le tirer du sommeil. Les disciples lui dirent donc ». Comme ils comprenaient, ils répondirent : « Seigneur, s’il dort, il sera sauvé ». Ordinairement, en effet, le sommeil des malades est un indice de guérison. « Or, Jésus avait parlé de sa mort ; mais ils pensèrent qu’il parlait du sommeil ordinaire. Alors Jésus leur dit clairement ». En effet, cette parole : « Il dort », ne manquait pas d’être obscure ; il leur dit donc clairement : « Lazare est mort, et je me réjouis à cause de vous de ce que je n’étais pas là, afin que vous croyiez ». Et je sais qu’il est mort, et cependant je n’y étais pas. On avait annoncé qu’il était malade, mais non pas qu’il était mort. Mais pouvait-il y avoir rien de caché pour Celui qui avait créé Lazare, et entre les mains duquel était passée l’âme du mourant ? C’est pourquoi il dit : « Je me réjouis à cause de vous de ce que je n’étais pas là, afin que vous croyiez ». Afin que dès lors ils fussent dans l’admiration de ce que le Sauveur avait pu dire qu’il était mort sans l’avoir ni vu ni entendu. C’est ici le cas de nous rappeler que, par ces miracles, le Christ consolidait la foi de ses disciples qui déjà avaient cru en lui ; non en ce sens que la foi, qui n’était pas encore en eux, commençât à y exister ; mais en ce sens que cette foi qui s’y trouvait déjà s’augmentât encore. Jésus s’est néanmoins servi d’un mot qui semble dire qu’ils commençaient seulement à croire. Il ne dit pas, en effet : « Je me réjouis à cause de vous », pour que votre foi soit augmentée ou affermie ; mais : « Pour que vous croyiez ». Ce qu’il faut entendre ainsi : Pour que vous croyiez d’une foi plus large et plus ferme.
12. « Mais allons à lui. Thomas, appelé a Didyme, dit à ses condisciples : Allons, nous aussi, et mourons avec lui. Jésus vint donc et le trouva déposé depuis quatre jours dans a le tombeau ». Sur ces quatre jours, on peut dire bien des choses : les Écritures obscures par elles-mêmes fournissant, selon la différence des intelligences, des sens différents. Disons, nous aussi, ce que nous semble signifier, ce mort de quatre jours. Comme dans l’aveugle dont nous vous parlions dernièrement, nous reconnaissions en quelque sorte le genre humain ; dans ce mort nous pouvons bien aussi retrouver un grand nombre d’hommes, car une même chose peut être représentée de différentes manières. L’homme, quand il naît, naît déjà avec la mort, puisque d’Adam il hérite le péché ; ce qui fait dire à l’Apôtre : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la a mort ; et ainsi elle a passé dans tous les a hommes, par celui en qui tous ont péché [1] ». Voilà le premier jour de mort ; c’est l’héritage auquel lui donne droit son origine. Ensuite l’homme grandit, il approche de l’âge de raison, où il peut se faire une idée de la loi naturelle que tous portent écrite dans leur cœur. « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas aux autres ». Est-ce là une chose que nous apprenions dans les livres ? Ne la lisons-nous pas en quelque sorte dans la nature ? Voudrais-tu être volé ? Non, certes, tu ne le veux pas ; car voici la loi écrite dans ton cœur : Ce que tu ne veux pas endurer, ne le fais pas toi-même. Et cependant cette loi-là, les hommes la transgressent. Voilà le second jour de mort. Dieu a donné aussi une loi par son serviteur Moïse ; il y est dit : « Tu ne tueras point ; tu ne commettras point le péché de la chair ; tu ne porteras point de faux témoignage ; honore ton père et ta mère ; tu ne convoiteras point le bien de ton prochain ; tu ne convoiteras point l’épouse de ton prochain[2] ». Voilà la loi écrite ; elle aussi, on la méprise. C’est le troisième jour de mort. Que reste-t-il ? Vient l’Évangile. Le royaume des cieux est annoncé ; Jésus-Christ est prêché partout ; il menace de l’enfer, il promet la vie éternelle : tout cela est méprisé. Les hommes transgressent l’Évangile. Voilà le quatrième jour de mort. C’est bien vrai que déjà il est en putréfaction. Mais à de telles gens faut-il refuser toute miséricorde ? À Dieu ne plaise ! Le Seigneur n’a pas dédaigné devenir pour ressusciter même ces sortes de morts.
13. « Or, beaucoup d’entre les Juifs étaient venus vers Marthe et Marie, pour les consoler de la mort de leur frère. Quand Marthe apprit que Jésus venait, elle alla au-devant a de lui, mais Marie resta assise à la maison. « Marthe dit donc à Jésus : Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort ;

  1. Rom. 5, 12
  2. Ex. 20, 12-17