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le jour, il ne bronche point ». Suivez-moi, si vous voulez ne pas broncher ; ne cherchez pas à me donner des conseils, car vous devez en recevoir de moi. Que signifient donc ces mots : « N’y a-t-il pas douze heures au jour ? » Le voici : pour montrer qu’il était lui-même le jour, il choisit douze disciples. Si je suis le jour, leur dit-il, et si vous êtes les heures, les heures doivent-elles donner des conseils au jour ? Ce sont les heures qui suivent le jour, et non le jour qui suit les heures. Mais si les disciples étaient les heures, quel rôle Judas remplissait-il au milieu d’eux ? Était-il du nombre des Douze heures ? S’il était une heure, il éclairait ; et s’il éclairait, comment livrait-il le jour à la mort ? Mais en prononçant cette parole, le Seigneur avait en vue non Judas, mais son successeur. Judas étant déchu, Matthias lui succéda, et le nombre douze demeura intact [1]. Ce n’est donc pas sans raison que le Seigneur choisit douze disciples : c’est parce qu’il est le jour spirituel. Que les heures suivent donc le jour ; qu’elles l’annoncent, qu’elles reçoivent sa lumière, et que par la prédication des heures le monde croie au jour. C’est ce que Jésus leur dit d’un seul mot : Suivez-moi, si vous ne voulez point broncher.
9. Après cela il leur dit : « Lazare, notre ami, dort ; mais je vais pour le réveiller ». Il disait vrai : Lazare était mort pour ses sœurs ; pour le Seigneur, il dormait. Il était mort pour les hommes qui ne pouvaient le ressusciter. Mais le Seigneur le fit sortir du sépulcre plus facilement que tu ne fais sortir de son lit un homme endormi. C’est donc eu égard à sa puissance qu’il a dit que Lazare dormait. Du reste, dans les Écritures, les morts sont souvent appelés ceux qui dorment ; ainsi les dénomme l’Apôtre : « Or, nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce qui a regarde ceux qui dorment, afin que vous ne soyez point attristés, comme les autres qui n’ont point l’espérance[2] ». L’Apôtre lui-même les appelle ceux qui dorment, parce qu’il annonce qu’ils doivent ressusciter. Donc tous les morts dorment, qu’ils soient bons ou mauvais. Mais il y a de la différence dans l’état de ceux qui dorment du sommeil quotidien et qui s’éveillent tous les jours, selon ce que chacun d’eux voit en songe : les uns ont des songes joyeux, d’autres en ont de si effrayants qu’ils s’éveillent et craignent de se rendormir, de peur de retomber dans les mêmes songes. C’est ainsi que chaque homme s’endort avec sa cause, et se réveille avec elle ; et il importe de savoir à quelle espèce de garde on est soumis jusqu’à ce moment où l’on paraît devant le juge. Car il y a différentes sortes de garde, selon que le demandent les différentes causes. Les uns sont confiés à un licteur : c’est là un traitement humain, doux et digne d’un citoyen. D’autres sont livrés aux geôliers ; d’autres sont envoyés en prison ; et dans la prison même tous ne sont pas traités de la même façon ; ceux dont les causes sont plus graves sont enfermés dans des cachots plus profonds. Ainsi donc, comme il y a différentes prisons pour ceux qui paraissent en justice, il y a de même, différentes prisons pour les morts et différents mérites en ceux qui ressuscitent. Le pauvre est reçu, et le riche aussi ; mais le premier est reçu dans le sein d’Abraham, et le second en un lieu où il a soif et où il ne trouve pas même une goutte d’eau pour se rafraîchir [3].
10. Toutes les âmes ont donc, et je saisis cette occasion de l’enseigner à votre charité, toutes les âmes ont donc, lorsqu’elles sortent de ce monde, des demeures différentes. Les bonnes sont reçues dans la joie, les méchantes dans les tourments. Mais quand la résurrection sera faite, la joie des bons sera plus grande, et plus graves aussi seront les tourments des méchants, parce qu’ils seront torturés avec leur corps. Les saints patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les martyrs, les bons chrétiens ont tous été reçus dans le séjour de la paix, mais tous ne recevront qu’à la fin des temps ce que Dieu a promis. Car il a promis la résurrection même de la chair, la destruction de la mort, le partage de la vie éternelle avec les anges. C’est là ce que tous recevront également, car pour le repos qui est accordé immédiatement après la mort, chacun, s’il en est digne, le reçoit aussitôt qu’il est mort. Les patriarches l’ont reçu les premiers ; voyez depuis quand ils reposent. Après eux l’ont reçu les Prophètes, plus récemment les Apôtres, beaucoup plus tard encore les saints martyrs ; et chaque jour les bons chrétiens le reçoivent. Et ainsi les uns y sont déjà depuis longtemps ; d’autres, depuis moins de temps ; d’autres, depuis quelques

  1. Act. 1, 26
  2. 1 Thes. 4, 12
  3. Lc. 16, 22-24