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8. Mais n’hésite plus, car écoute ce qui suit : « Mon Père et moi sommes un ». Jusque-là les Juifs avaient pu supporter ce qu’il leur disait ; mais quand ils entendirent : « Mon Père et moi sommes un », ils ne l’endurèrent plus, et, pleins de dureté selon leur coutume, ils coururent aux pierres : « Ils prirent des pierres pour le lapider ». Mais comme le Seigneur ne souffrait pas ce qu’il ne voulait pas souffrir, et qu’il n’a souffert que ce qu’il a voulu, il continue à leur parler, quoiqu’ils veuillent le lapider. « Les Juifs prirent des pierres pour le lapider. Jésus leur répondit : Je vous ai montré beaucoup de bonnes œuvres de la part de mon Père ; pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ? Et ils lui répondirent : Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour ton blasphème et parce qu’étant homme, tu te fais toi-même Dieu ». Ainsi répondaient-ils à ce qu’il avait dit : « Mon Père et moi sommes un ». Les Juifs comprenaient donc ce que ne comprennent pas les Ariens. Et ils s’indignèrent, parce qu’ils comprenaient qu’on ne pouvait dire : « Mon Père et moi sommes un », que s’il y a égalité du Père et du Fils.

9. Mais voyez ce que le Seigneur répondit à ces hommes lents à comprendre ; voyant qu’ils ne pouvaient supporter la splendeur de la vérité, il en tempéra l’éclat par ces paroles : « N’est-il pas écrit dans votre loi », c’est-à-dire, dans la loi qui vous a été donnée : « J’ai dit : Vous êtes dieux ? » Dieu, en effet, dit aux hommes par son Prophète, dans un psaume : « J’ai dit : Vous êtes dieux[1] ». Ici le Seigneur appelle loi toutes les Écritures en général, quoique ailleurs il désigne la loi d’une manière particulière et la distingue des Prophètes ; comme quand il dit : « La loi et les Prophètes jusqu’à Jean[2] » ; et encore : « Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les Prophètes[3] ». Quelquefois il partage les Écritures en trois parties, lorsqu’il dit : « Il fallait que s’accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi, les Prophètes et les psaumes[4] ». Mais maintenant il désigne sous le nom de loi les psaumes eux-mêmes où se trouvent écrites ces paroles : « J’ai dit : Vous êtes dieux. Si la loi appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et l’Écriture ne peut être détruite : moi que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, pourquoi dites-vous que je blasphème parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? » Si la parole de Dieu a été adressée aux hommes de manière à ce qu’ils fussent appelés dieux, le Verbe même de Dieu qui est en Dieu pourrait-il ne pas être Dieu ? Si par la parole de Dieu les hommes deviennent dieux, si en participant à cette parole ils deviennent dieux, celui auquel ils participent n’est-il pas Dieu ? Si les lumières éclairées sont elles-mêmes des dieux, la lumière qui éclaire n’est-elle pas Dieu ? Si, pour s’être réchauffées à ce feu salutaire, les créatures deviennent dieux, ce feu qui les réchauffe n’est-il pas Dieu ? Tu t’approches de la lumière, tu en es éclairé, et l’on te compte parmi les fils de Dieu ; si tu t’éloignes de la lumière, tu es dans l’obscurité et dans les ténèbres. Mais cette lumière ne s’approche pas d’elle-même, parce qu’elle ne s’en éloigne pas. Si donc la parole de Dieu vous fait dieux, comment le Verbe de Dieu ne serait-il pas Dieu ? Le Père a donc sanctifié son Fils et l’a envoyé dans le monde. Quelqu’un dira peut-être : Si le Père l’a sanctifié, il n’a donc pas toujours été saint ? Il l’a sanctifié comme il l’a engendré. Qu’il fût saint, il le lui a donné en l’engendrant, parce qu’il l’a engendré saint. Car si ce qui est sanctifié ne pouvait pas être saint auparavant, comment pourrions-nous dire à Dieu le Père : « Que votre nom soit sanctifié [5] ? »
10. « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais si je les fais, et si vous ne voulez pas me croire, croyez à mes œuvres, afin que vous sachiez et que vous croyiez que le Père est en moi et moi en lui ». Le Fils ne dit pas : « Le Père est en moi et moi en lui », comme peuvent le dire les hommes. Car si nos pensées sont bonnes, nous sommes en Dieu, et si nous vivons saintement, Dieu est en nous. Si nous lui sommes fidèles, que nous participions à sa grâce, et que nous soyons illuminés par lui ; nous sommes en lui, et il est en nous. Mais il n’en est pas ainsi pour le Fils unique ; il est dans le Père et le Père est en lui, comme un égal est dans celui à qui il est égal. Enfin quelquefois nous pouvons dire : Nous sommes en Dieu et Dieu est en nous ; mais pouvons-

  1. Ps. 81, 6
  2. Lc. 16, 16
  3. Mt. 22, 10
  4. Lc. 14, 44
  5. Mat. 6, 9