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au portier ; c’est le portier qui garde la porte : la porte ne garde pas le portier. Je n’oserais dire que quelqu’un est supérieur à la porte, car je sais qui elle est ; je n’ai à cet égard aucune incertitude ; je ne me trouve nullement abandonné à des conjectures personnelles : toute supposition purement humaine m’est interdite. Dieu a parlé : la vérité a élevé la voix pour m’instruire, il n’est pas à ma disposition de changer les paroles de celui qui ne change pas.
3. Dans une question si obscure, je dirai donc ce qui me semble être le mieux : que chacun choisisse ce qui lui convient, sans perdre pour cela le sentiment de la piété, selon qu’il est écrit : « Ayez pour Dieu des sentiments pieux, et cherchez-le dans la simplicité de votre cœur[1] ». Nous devons peut-être regarder le Sauveur comme étant le portier. Dans les réalités, il y a entre le pasteur et la porte une différence bien autrement tranchée qu’entre le portier et la porte ; et pourtant, le Christ nous a affirmé qu’il est en même temps le pasteur et la porte : pourquoi ne pas supposer qu’il est aussi le portier ? Si nous examinons la nature des choses, nous verrons que, d’après l’idée que nous nous faisons des pasteurs et ce que nous voyons, le Seigneur Jésus n’en est pas un : il n’est pas davantage une porte, puisqu’il n’est pas sorti des mains d’un artisan. Mais si, dans les limites d’une certaine similitude, nous disons que le Christ est pasteur et porte en même temps, j’ose ajouter qu’il est aussi brebis. Une brebis est soumise à l’autorité du pasteur, et toutefois le Sauveur est, en même temps, pasteur et brebis. Où vois-tu qu’il est pasteur ? Ici même, lis l’Évangile : « Je suis le bon pasteur ». Comment t’assurer qu’il est brebis ? Interroge le Prophète : « Il a été conduit à la mort, comme une brebis [2] ». Interroge l’ami de l’Époux : « Voilà l’Agneau de Dieu, voilà Celui qui efface le péché du monde [3] ». En continuant toujours la même comparaison, je vais vous dire quelque chose de plus étonnant encore. L’agneau, la brebis et le pasteur sont unis par les liens d’une tendre amitié, et les brebis trouvent d’habitude dans le pasteur, leur soutien contre les attaques des lions. Néanmoins, il est dit du Christ, brebis et pasteur tout ensemble : « Le lion de la tribu de Juda a vaincu [4] ». Comprenez tout cela, mes frères, dans le sens d’une comparaison, et non dans celui de la réalité vraie. Nous voyons habituellement les bergers s’asseoir sur une pierre, et garder, de l’endroit où ils se sont assis, le troupeau qui leur est confié : il est sûr que le berger vaut mieux que la pierre sur laquelle il a pris son siège. Cependant, le Christ est pasteur et pierre. Tout ceci soit dit par comparaison. Si, maintenant, tu me demandes à savoir ce qu’est en lui-même le Seigneur Jésus, je te réponds : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu [5] ». Si tu cherches à savoir ce qu’il est en réalité, je te dirai : C’est le Fils unique du Père, engendré pour toujours et de toute éternité ; il est égal à son Père, toutes choses ont été faites par lui : non plus que dans le Père, on ne peut voir en lui aucun changement, et, quoiqu’il se soit revêtu d’une forme humaine, il n’a subi dans son être aucune vicissitude ; par son incarnation, il est devenu homme, et il est, en même temps, Fils de l’homme et Fils de Dieu. Tout ce que je viens de dire, c’est la réalité : ici, pas de comparaison.
4. Par rapport à certaines ressemblances, il ne doit nullement nous répugner de considérer la porte comme étant le portier même. Qu’est-ce, en effet, que la porte ? C’est l’endroit par où nous entrons dans une maison. Qui est le portier ? Celui qui ouvre la porte. Quel est celui qui s’ouvre lui-même, si ce n’est celui qui se fait connaître ? Le Sauveur avait dit qu’il était la porte, et nous ne l’avions pas compris ; à ce moment-là même, la porte était fermée pour nous ; celui qui nous l’a ouverte n’est autre que le portier. Inutile de chercher une autre explication ; je ne vois à cela aucune nécessité, mais peut-être en aurais-tu la volonté ; si tel est ton désir, ne divague pas, ne cherche pas en dehors de la Trinité. Veux-tu qu’une personne différente de la seconde soit le portier ? Suppose que c’est le Saint-Esprit : certainement, il ne dédaignera pas d’être le portier, puisque le Fils n’a pas dédaigné d’être la porte. Regarde donc le Saint-Esprit comme étant le portier ; parlant du Saint-Esprit à ses disciples, le Sauveur lui-même a dit : « Il vous enseignera « toute vérité [6] ». Qui est la Porte ? Le Christ. Qu’est-ce que le Christ ? La Vérité. Qui est-cequi

  1. Sag. 1, 1
  2. Isa. 53, 7
  3. Jn. 1, 29
  4. Apoc. 5, 5
  5. Jn. 1, 1
  6. Id. 16, 13