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« Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; et il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages ». Par là il montre, jusqu’à la dernière évidence, que non seulement le pasteur, mais encore les brebis, entrent par la porte.
15. Que veulent dire ces mots : « Il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages ? » Il est singulièrement avantageux d’entrer dans l’Église, par la porte qui est le Christ ; mais il est plus malheureux encore d’en sortir, dans le sens que Jean indique en son épître : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas de nous [1] ». Une pareille manière d’en sortir ne pouvait obtenir les louanges du bon pasteur ; il n’aurait pas dit, en ce sens-là : « Il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages ». Il y a donc, non seulement une manière d’entrer, mais aussi une façon légitime de sortir par la bonne porte, qui est le Christ. Mais quelle est cette louable et heureuse manière de sortir ? Je pourrais dire que nous entrons, quand nous réfléchissons intérieurement, et que nous sortons, lorsque nous nous livrons à quelque occupation extérieure. Et parce que, suivant le langage de l’Apôtre, le Christ habite en nos cœurs par la foi [2], entrer par le Christ, c’est conformer ses pensées aux enseignements de la foi, et sortir par le Christ, c’est prendre cette même foi pour guide même dans nos œuvres extérieures, c’est-à-dire quand nous agissons devant les hommes. Voilà pourquoi nous lisons dans un psaume : « L’homme sortira pour vaquer à son ouvrage [3] ». De là viennent aussi ces paroles du Sauveur : « Que vos œuvres brillent aux yeux des hommes [4] ». Mais je préfère de beaucoup ce que la Vérité même, comme un bon pasteur, et, par conséquent, comme un bon maître, nous dit en quelque sorte sur la manière dont nous devons entendre ces mots : « Il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages ». Car voici ce que le Sauveur ajoute : « Un voleur ne vient que pour dérober et tuer, et a détruire ; et moi, je suis venu, afin qu’elles aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance ». Il a voulu, ce me semble, dire ceci : Afin qu’en entrant elles aient la vie, et qu’en sortant, elles l’aient plus abondamment encore. Personne ne peut sortir par la porte, c’est-à-dire, parle Christ, pour entrer dans la vie éternelle où nous verrons Dieu face à face, s’il n’entre d’abord dans l’Église par la même porte, par le même Christ, pour y puiser la vie du temps où nous n’apercevons Dieu que par la foi. Aussi dit-il : « Je suis venu, afin qu’ils aient la vie », c’est-à-dire, la foi qui agit par la charité[5]. C’est par cette foi qu’elles entrent dans le bercail, afin d’y trouver la vie, parce que le juste vit de la foi [6] ; et afin qu’ils l’aient en plus grande abondance, ceux qui, en persévérant jusqu’à la fin, sortent par cette porte, c’est-à-dire par la foi en Jésus-Christ ; ils meurent, en effet, en vrais fidèles, et ils auront plus abondamment la vie, puisqu’ils parviendront là où le pasteur les a précédés, et où ils ne seront jamais plus sujets à la mort. Sur cette terre, dans le bercail lui-même, les pâturages ne manquent pas ; car nous pouvons appliquer ces paroles : « Et il trouvera des pâturages », à l’entrée et à la sortie des brebis : cependant, les vrais pâturages se trouvent surtout dans le séjour où seront rassasiés tous ceux qui ont faim et soif de la justice [7]. C’est dans ces pâturages qu’est entré celui à qui il a été dit : « Tu seras aujourd’hui avec moi dans le paradis [8] ». Mais comment le Sauveur est-il la porte ? Comment est-il le pasteur, de manière à ce qu’il entre et sorte, en un sens, par lui-même ? Quel est le portier ? Autant de questions qu’il serait trop long d’examiner et de discuter aujourd’hui, pour en donner la solution que la grâce divine voudrait bien nous suggérer.

  1. Jn. 2, 19
  2. Eph. 3,17
  3. Ps. 103, 23
  4. Mt. 5,16
  5. Mt. 5, 6
  6. Rom. 1, 17
  7. Mt. 5, 6
  8. Lc. 23, 43