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Cet homme a, par sa confession, mérité d’être justifié, comme cet aveugle a mérité de recouvrer la vue. « Jamais on n’a entendu qu’aucun ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si celui-ci n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire ». Langage franc, constant, vrai ! Ce qu’a fait le Sauveur, un autre que Dieu aurait-il pu le faire ? Les Apôtres auraient-ils pu accomplir de pareilles œuvres, si le Seigneur n’avait pas été avec eux ?
14. « Ils lui répondirent en disant : Tu es né tout entier dans le péché ». Qu’est-ce à dire, « tout entier ? » Avec des yeux fermés. Mais Celui qui ouvre les yeux sauve tout l’homme. Après avoir éclairé son visage, il lui accordera une place à sa droite au moment de la résurrection. « Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous fais la leçon ? Et ils le chassèrent ». Ils le choisirent pour leur maître ; afin de savoir, ils l’interrogèrent plusieurs fois, et quand il les eut instruits, ils le mirent à la porte.
15. J’en ai fait tout à l’heure la remarque, mes frères ; s’il a été expulsé par les Juifs, le Christ l’a reçu ; et c’est précisément parce qu’il a été chassé qu’il est devenu chrétien. « Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé, et l’ayant trouvé, il lui dit : Crois-tu au Fils de Dieu ? » À ce moment-là, il lavait les yeux de son âme ; il répondit, néanmoins, comme n’étant pas encore lavé : « Quel est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? Et Jésus lui dit : Tu l’as vu en personne, et c’est lui qui te parle ». Jésus est l’Envoyé, et l’aveugle lave sa figure à la piscine de Siloé, qui signifie l’Envoyé. La face de son âme était lavée et sa conscience purifiée : alors il reconnut en lui, non pas seulement le Fils de l’homme, comme il l’avait cru précédemment, mais même déjà le Fils de Dieu, qui s’était revêtu de notre humanité ; aussi lui dit-il : « Je crois, Seigneur ». « Je crois », c’est trop peu ; veux-tu savoir qui il le croit ? « Et, se prosternant, il l’adora ».
16. « Et Jésus lui dit ». Nous voici arrivés au plein jour, qui discerne la lumière d’avec les ténèbres. « Je suis venu en ce monde pour le juger, afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Qu’est-ce ceci, Seigneur ? Nous sommes fatigués, et vous nous proposez une chose digne de toute attention ; ranimez donc nos forces, afin que nous puissions comprendre ce que vous nous avez dit : « Vous êtes venu pour que ceux qui ne voient pas voient ». Cela est évident, puisque vous êtes la lumière, puisque vous êtes le jour, puisque vous dissipez les ténèbres ; toute âme le conçoit et le comprend. Mais quel est le sens de ce qui suit : « Et que ceux qui « voient deviennent aveugles ? » La conséquence de votre venue en ce monde serait-elle que ceux qui voyaient deviennent aveugles ? Écoute ce qui suit, et peut-être alors comprendras-tu.
17. « Quelques-uns d’entre les Pharisiens s’émurent de ces paroles, et lui dirent : Et nous, sommes-nous aveugles ? » Voici ce qui les jetait dans l’émotion : « Et que ceux qui voient deviennent aveugles. Jésus leur dit : Si vous étiez aveugles, vous n’auriez point de péché ». Mais la cécité est un péché. « Si vous étiez aveugles », c’est-à-dire, si vous remarquiez que vous l’êtes, si vous l’avouiez, si vous aviez recours au médecin ; en un mot, si vous étiez des aveugles » de cette sorte, « vous n’auriez point de péché », parce que je suis venu détruire le péché. « Mais maintenant a vous dites : Nous voyons, et votre péché demeure ». Pourquoi ? Parce qu’en disant : Nous voyons, vous ne recourez pas au médecin, et vous demeurez dans votre aveuglement. Voilà le sens de ces paroles que nous ne comprenions pas. « Je suis venu afin que ceux qui ne voient pas voient ». De qui s’agit-il ici : « Afin que ceux qui ne voient pas voient ? » De ceux qui avouent ne rien voir, et recourent au médecin pour voir : « Et que ceux qui voient deviennent aveugles ». De qui est-il encore question : « Que ceux qui voient deviennent aveugles ? » De ceux qui croient voir, et qui négligent les soins du médecin, afin de persévérer dans leur cécité. Discerner ces personnes les unes des autres, c’était exercer ce jugement dont parle le Sauveur : « Je suis venu en ce monde pour le jugement ». Par ce jugement, il distingue ceux qui croient et se reconnaissent aveugles, d’avec les orgueilleux qui s’imaginent jouir de la vue et n’en deviennent que plus aveugles ; c’est comme si un pécheur avouait son aveuglement et lui disait, en lui demandant instamment sa guérison : « Jugez-moi, Seigneur, et séparez ma cause d’un peuple impie [1] », de ceux qui disent.« Nous voyons »,

  1. Ps. 42, 1