Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/638

Cette page n’a pas encore été corrigée

par la présence du Christ s’étend jusqu’à la consommation des siècles. Lorsqu’aura eu lieu la résurrection des vivants et des morts, le Christ dira à ceux qui seront placés à sa droite : « Venez, bénis de mon Père ; entrez en possession de son royaume » ; puis il adressera ces paroles à ceux qui seront placés à sa gauche : « Allez au feu éternel qui a été préparé au démon et à ses anges [1] ». Alors viendra la nuit où personne ne pourra plus agir, et où chacun recevra selon ses œuvres. Autre est le temps du travail, autre le temps de la rémunération ; car « le Seigneur rendra à tous selon qu’ils auront agi[2] ». Pendant que tu vis, agis si tu veux agir ; car à la vie succédera une nuit qui enveloppera les impies. Elle saisit tout infidèle dès le moment de sa mort, et alors il n’est plus temps pour lui de travailler. Le mauvais riche s’y trouvait plongé, quand il était dévoré de la soif, et demandait qu’avec son doigt le pauvre vînt déposer sur sa langue une goutte d’eau. Il se lamentait, il se tourmentait, il s’avouait coupable, et, toutefois, personne ne lui apportait de soulagement ; de plus, il voulait faire du bien aux autres. « Père Abraham », s’écriait-il, « envoyez Lazare à mes frères, afin qu’il leur dise ce qui se passe ici, et qu’ils ne viennent pas eux-mêmes dans ce lieu de tourments[3] ». Malheureux ! Quand tu vivais, c’était le moment de travailler ; maintenant, tu es plongé dans la nuit où personne ne peut plus agir !
7. « Après qu’il eut parlé ainsi, il cracha à terre, fit de la boue avec sa salive, et frotta de cette boue les yeux de l’aveugle ; puis il lui dit : Va-t’en, et lave-toi dans la piscine de Siloé (mot qui signifie l’Envoyé) ; il y alla donc, s’y lava, et revint ayant recouvré la vue ». Ce passage est tellement clair, qu’il est inutile de nous y arrêter.
8. « Or, les voisins et ceux qui, auparavant, avaient vu qu’il était aveugle, disaient : N’est-ce pas celui-ci qui était assis et qui mendiait ? Les uns disaient : C’est lui ; les autres disaient : Il lui ressemble » : Ses yeux s’étant ouverts, son visage n’était plus le même. « Mais lui disait : C’est bien moi ». Ainsi manifestait-il sa reconnaissance, pour ne pas être condamné comme ingrat. « Ils lui demandaient donc : Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? Il répondit : Cet homme, qu’on appelle Jésus, a fait de la boue, il en a frotté mes yeux, en me disant : Va à la piscine de Siloé, et lave-toi. J’y suis allé, je me suis lavé et je vois ». Le voilà devenu le héraut de la grâce ; il évangélise, il rend hommage à Celui qui lui a ouvert les yeux. Cet aveugle reconnaissait son bienfaiteur, et, au même temps, s’endurcissait le cœur des impies, parce qu’ils n’avaient pas dans le cœur ce que l’aveugle avait désormais dans son visage. « Et ils lui dirent : Où est Celui qui t’a ouvert les yeux ? » Il répondit : « Je n’en sais rien ». Il montrait par ces paroles que son âme ressemblait à un homme dont les yeux seraient déjà frottés de boue, mais qui ne verrait pas encore. Mes frères, supposons donc son âme comme déjà frottée de boue. Il prône son bienfaiteur, mais il ne connaît pas Celui qu’il prône.
9. « Alors, ils amenèrent aux Pharisiens celui qui avait été aveugle. Or, c’était le jour du sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. Les Pharisiens, donc, lui demandèrent à nouveau comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il a mis de la boue sur mes yeux, je me suis lavé et je vois. Quelques-uns des Pharisiens disaient donc ». Non pas tous, mais quelques-uns, car il y en avait déjà parmi eux pour avoir le cœur frotté de boue. Que disaient donc ceux qui n’étaient ni doués de la vue, ni même frottés de boue ? « Cet homme n’est point de Dieu, car il ne garde pas le sabbat ». C’était bien plutôt lui qui le gardait, puisqu’il était sans péché. Être exempt de péché, n’est-ce pas, en effet, garder spirituellement le sabbat ? Enfin, mes frères, voici la recommandation que Dieu nous fait, en nous imposant l’obligation de garder le sabbat : « Vous ne ferez aucune œuvre servile[4] ». Voilà les paroles prononcées parle Seigneur, au moment où il promulguait le précepte du sabbat : « Vous ne ferez aucune œuvre servile ». Rappelez-vous les leçons précédentes, et vous saurez ce que c’est qu’une œuvre servile[5]. Écoutez le Sauveur lui-même « Quiconque commet le péché, est esclave du péché[6] ». Mais les Pharisiens n’étaient, comme je l’ai dit, ni doués de la vue, ni frottés de boue ; c’est pourquoi ils observaient le sabbat d’une façon toute charnelle, et le violaient spirituellement. « Les autres

  1. Mt. 25, 34, 41
  2. Id. 16,27
  3. Luc, 16, 24-28
  4. Lev. 23, 8
  5. Traité XX, II. 2
  6. Jn. 8, 34