Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/635

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui n’aurait pas existé sans moi, fût fait, je suis ». Il n’a pas dit non plus : Avant qu’Abraham fût fait, j’ai été fait ; car, « dans le Principe, Dieu a fait le ciel et la terre[1] ». D’ailleurs, « au commencement était le Verbe[2] ». « Avant qu’Abraham fût fait, je suis ». Reconnaissez le créateur ; distinguez-en la créature. Celui qui parlait filait devenu le descendant d’Abraham ; et il était avant ce patriarche pour le créer.
18. Les Juifs furent encore plus profondément blessés de ces paroles ; c’était pour eux comme un reproche sanglant venu d’Abraham lui-même. Il leur sembla donc que le Seigneur Christ avait blasphémé, puisqu’il leur avait dit : « Avant qu’Abraham fût fait, je suis. Aussi prirent-ils des pierres pour les lui jeter ». À quoi pourrait avoir recours une telle dureté, sinon à la dureté de la pierre ? « Mais Jésus », c’est-à-dire, Jésus en tant qu’homme, en tant que revêtu de la forme d’esclave, humble, réservé à souffrir, à mourir, et à nous racheter au prix de son sang ; et non pas Jésus, en tant qu’il était celui qui est Verbe dans le principe et Verbe chez Dieu. En effet, lorsque ses interlocuteurs prirent des pierres pour les lui jeter, y avait-il grande difficulté à ce que la terre s’entrouvrît pour les engloutir, et qu’au lieu de pierres, ils rencontrassent les enfers ? C’était chose facile pour Dieu ; mais il aimait mieux nous donner un exemple de patience qu’une preuve de sa puissance. « Il se cacha » donc, pour ne pas être lapidé. Comme homme, il se déroba à leurs pierres ; mais malheur à ceux dont Dieu s’écarte parce que leurs cœurs sont de pierre !

QUARANTE-QUATRIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES : « ET JÉSUS PASSANT VIT UN HOMME AVEUGLE DE NAISSANCE », JUSQU’À CES AUTRES : « MAINTENANT VOUS DITES-NOUS VOYONS, ET VOTRE PÉCHÉ DEMEURE ». (Chap. IX.)

L’AVEUGLE-NÉ.

L’aveugle-né était la figure du genre humain précipité dans les ténèbres spirituelles par le péché d’Adam ; pour sortir de cet aveuglement de l’âme, il lui faut s’approcher du Fils de Dieu fait homme et croire en lui. à celte condition la vue lui sera donnée ; car si Jésus-Christ est venu pour épaissir les ténèbres où vivent ceux qui ne veulent pas ouvrir les yeux à la lumière de la vérité, il est venu aussi pour éclairer ceux qui avouent humblement avoir besoin de lui.


1. Dans la leçon que vous venez d’entendre, il a été longuement question de l’aveugle-né, auquel Notre-Seigneur Jésus-Christ a rendu la vue. Si nous voulions expliquer cette leçon dans tous ses détails, et selon qu’elle le mérite, nous arrêtant à chaque verset pour l’examiner de notre mieux, un jour ne nous suffirait pas. En conséquence, j’avertis et je prie votre charité de n’exiger de moi aucune réflexion, relativement aux passages qui n’offrent pas de difficulté ; car il serait vraiment trop long de consacrer à tous quelques moments. Je vais donc vous entretenir de ce qu’il y a de mystérieux dans la guérison de cet aveugle. Dans cette étonnante merveille opérée par Notre-Seigneur, il faut remarquer les actions et les paroles, les actions qui ont eu lieu, les paroles, parce qu’elles sont des signes. Si nous réfléchissons au sens caché de ce fait, nous verrons que l’aveugle représente le genre humain ; car la cécité a été, chez le premier homme, le résultat du péché, et il nous a communiqué à tous, non seulement le germe de la mort, mais encore celui de l’iniquité. Puisque l’infidélité est un véritable aveuglement, et qu’on jouit de la vue quand on a la foi, le Christ, au moment de sa venue sur la terre, a-t-il trouvé un seul fidèle ? L’Apôtre, qui était de la même nation que les Prophètes, a dit : « Nous avons été autrefois,

  1. Gen. 1, 1
  2. Jn. 1, 1