Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/633

Cette page n’a pas encore été corrigée

mort. On ne lui remet point sa dette ; on ne fait que reculer l’époque du paiement ; mais vous aurez beau en différer le terme, le terme viendra toujours. Craignons ce genre de mort que redoutaient les trois israélites, et dont la pensée les portait à dire au roi : « Dieu peut nous délivrer, même de cette fournaise ; mais, quand il ne le voudrait pas[1] ». Cette mort, dont le Sauveur menace ici les Juifs, les trois israélites la craignaient, puisqu’ils ont dit : « Quand même le Seigneur ne voudrait pas nous délivrer ostensiblement, il peut secrètement nous couronner ». Aussi, le Christ qui devait former des martyrs, et devenir martyr lui-même, leur a-t-il adressé cet avertissement : « N’ayez aucune crainte de ceux qui peuvent tuer le corps, mais qui sont incapables d’en faire davantage ». Comment « n’en peuvent-ils faire davantage ? » Lorsqu’on a tué un homme, ne peut-on pas donner son corps à dévorer aux bêtes, ou à déchirer aux oiseaux ? Il semble que la méchanceté est à même d’aller plus loin encore. Contre qui ? Contre celui qui est sorti de cette vie ; son corps est là, mais il est privé de sentiment ; la demeure reste, mais l’habitant est parti. « Ils ne peuvent donc rien faire de plus », désormais ; comment, en effet, faire souffrir celui qui ne sent plus rien ? « Craignez plutôt celui qui a le pouvoir de précipiter le corps et l’âme dans la géhenne du feu[2] ». C’était de cette mort que parlait le Christ, quand il disait : « Celui qui gardera mes commandements ne verra jamais la mort ». Mes frères, il nous faut donc garder sa parole dans la foi : nous arriverons à la réalité, quand nous aurons reçu la plénitude de la liberté.
13. Quant à ces hommes, déjà morts et destinés à la mort éternelle, ils s’indignaient, et répondant par des injures, ils disaient : « Nous connaissons maintenant que tu es possédé du démon. Abraham est mort, et les Prophètes aussi sont morts ». Mais ni Abraham ni les Prophètes n’ont succombé à ce genre de mort auquel le Sauveur fait allusion. Ils sont morts et ils vivent : les interlocuteurs de Jésus vivaient, et ils étaient morts. Car voici ce qu’il dit quelque part, en répondant à une difficulté soulevée par les Sadducéens au sujet de la résurrection : « Pour ce qui concerne la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu » ces paroles que le Seigneur a adressées à Moïse du milieu du buisson : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob ; Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants[3] ? » Puisqu’ils vivent, travaillons donc à vivre de telle sorte, ici-bas, que nous méritions de vivre avec eux après notre mort. « Qui prétends-tu être ? » Tu sais qu’Abraham est mort et les Prophètes aussi, et tu oses dire : « Celui qui gardera ma parole, ne verra jamais la mort ! ».
14. « Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien ; c’est mon Père qui me glorifie ». Voilà sa réponse à cette parole des Juifs : « Qui prétends-tu être ? » Il rapporte sa gloire au Père, de qui il tient sa divinité. Les Ariens se sont parfois servis même de cette parole pour attaquer notre foi, et nous dire : Puisque le Père glorifie le Fils, il est évident qu’il lui est supérieur. Hérétique, n’as-tu pas lu aussi les paroles par lesquelles le Fils atteste qu’il glorifie lui-même le Père[4] ? Puisque le Père glorifie le Fils, et que le Fils glorifie le Père, ne sois donc plus opiniâtre, reconnais leur égalité parfaite, corrige-toi de ta méchanceté.
15. « C’est donc mon Père qui me glorifie ; c’est celui de qui vous dites : Il est notre Dieu, et que vous ne connaissez pas ». Voyez, mes frères, comment le Sauveur démontre que le Dieu prêché aux Juifs eux-mêmes est le Père du, Christ. Je dis ceci, parce qu’il s’est aussi rencontré des hérétiques dont l’opinion est que le Dieu mentionné dans l’Ancien Testament n’est pas le Père du Christ : suivant eux, son Père était je ne sais quel chef des mauvais anges. Cette erreur est soutenue par les Manichéens et les Marcionites : avec eux se trouvent sans doute encore d’autres hérétiques ; il est inutile de les nommer : j’aurais, d’ailleurs, trop à faire pour les énumérer tous dans ce discours quoi qu’il en soit, l’erreur dont nous parlons a été soutenue par un assez grand nombre. Prêtez-moi donc votre attention, afin d’apprendre à leur répondre. Le Seigneur Christ déclare que celui qu’ils reconnaissent pour leur Dieu est son Père : ils le reconnaissent pour leur Dieu, et pourtant ils ne le connaissent pas : s’ils l’avaient connu, ils auraient

  1. Dan. 3, 15-18
  2. Mt. 10, 28 ; Luc, 12, 4-5
  3. Mt. 22, 31-32 ; Exod. 3, 6
  4. Jn. 17, 4