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qu’ils devaient renaître de Dieu par l’adoption de la régénération. « Celui qui est de Dieu écoute ce qu’il dit ». Mais, pour les paroles suivantes : « Vous n’écoutez pas ce qu’il dit, parce que vous n’êtes pas lui », elles ont é adressées à ceux qui, non-seulement étaient infectés de la corruption du péché, malheur commun à tous, mais encore étaient connus d’avance pour ne pas devoir se soumettre à l’empire de la foi, de cette foi qui, cule, pouvait les délivrer des liens de leurs péchés. Le Christ savait donc dès lors que ceux à qui il s’adressait persévéreraient en ce qui faisait d’eux des enfants du démon ; il savait qu’ils mourraient dans leurs péchés et dans les sentiments d’impiété qui les lui rendaient semblables ; il savait enfin qu’ils ne parviendraient point à recevoir le bienfait de la génération par lequel ils deviendraient les enfants de Dieu, c’est-à-dire les nés du Dieu qui les avait fait devenir hommes. C’est en vertu de cette prédestination que le Sauveur leur a parlé, et non parce qu’il aurait trouvé parmi eux un homme déjà né de Dieu par la grâce de la régénération, ou étranger à Dieu par sa nature considérée en elle-même.

QUARANTE-TROISIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CE PASSAGE : « LES JUIFS LUI RÉPONDIRENT DONC ET LUI DIRENT », JUSQU’À CET AUTRE : « ILS PRIRENT DONC DES PIERRES POUR LES LUI JETER, MAIS JÉSUS SE CACHA ET SORTIT DU TEMPLE ». (Chap. 8,48-59.)

JÉSUS, FILS DE DIEU.

Ne sachant que répondre au Sauveur, les Juifs lui dirent : « Tu es un démon » .— Non, je n’en suis pas un, car si je me rends témoignage à moi-même, ce n’est point par orgueil ; j’ai pour moi le témoignage non équivoque de mon Père, et si vous croyiez en moi vous ne mourriez pas, car celui qui garde ma parole vivra toujours. – Voilà bien une preuve sans réplique, que tu es possédé du démon ! – Non, je dis la vérité. Si vous devez vivre toujours en gardant ma parole, c’est que je vous communiquerai la vie, car « Je suis ». Telle a été la cause des tressaillements de joie qu’a ressentis Abraham. À ces paroles on voulut le lapider, mais il s’en alla. Par la lecture du saint Évangile qu’on vient de faire devant nous, la puissance du Sauveur nous a fait apprécier sa patience. Que sommes-nous, en effet, si nous nous comparons à lui ? Que sont des serviteurs en face du souverain Maître, des pécheurs en présence du juste, des créatures vis-à-vis du Créateur ? Néanmoins, l’homme ne désire rien tant que la puissance ; il possède en Notre-Seigneur Jésus-Christ la suprême puissance ; mais pour y parvenir, il lui faut d’abord imiter la patience du Maître. Lequel d’entre nous supporterait patiemment qu’on lui dise : « Tu es possédé du démon ? » Voilà pourtant ce qui a été dit à Celui qui, non seulement sauvait les hommes, mais commandait aux démons.


2. Les Juifs lui dirent donc : « N’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu es possédé du démon ? » De ces deux imputations, le Sauveur repoussa l’une et ne repoussa pas l’autre. En effet, il répondit en disant : « Je ne suis point possédé du démon » ; mais il ne dit pas : Je ne suis pas un Samaritain. On lui avait fait deux reproches. Sans rendre malédiction pour malédiction, injure pour injure, il lui convint de repousser l’un, et de ne pas repousser l’autre. Il avait pour cela des motifs. De fait, mes frères, Samaritain veut dire gardien, et Jésus savait qu’il est notre gardien. « Il ne dormira point, il ne s’assoupira pas, celui qui garde Israël [1] », et, « si Dieu ne défend la cité, inutilement veillent ses gardiens[2] ». Celui qui nous a créés, nous garde donc ; puisqu’il a dépendu de lui de nous racheter, ne lui appartiendrait-il pas de nous

  1. Ps. 120, 4
  2. Ps. 126, 1