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de paroles humaines : lorsque Dieu aura fait briller à nos yeux les rayons de son éblouissante lumière, selon l’expression du Psalmiste : « Seigneur, vous avez fait briller à nos yeux l’éclat de votre visages[1] », cette lumière vous la fera voir. Nous sommes la monnaie de Dieu, mais nous ressemblons à des pièces d’or sorties du trésor divin : l’erreur a effacé les traits de la vérité que Dieu avait imprimés dans notre âme : parce qu’il nous avait formés, il est venu nous réformer ; il réclame la monnaie qui lui appartient, comme César réclame la sienne ; c’est pourquoi il a dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu [2] ». À César, la monnaie vous-mêmes, à Dieu. Alors donc, les traits de la vérité seront imprimés dans nos cœurs.
10. Que dirai-je maintenant à votre charité ? Ah ! si seulement notre cœur soupirait tant soit peu après cette gloire ineffable ! Si nous sentions que nous sommes ici-bas en un lieu d’exil ! Si nous en gémissions au lieu de concentrer nos affections sur ce bas monde ! Si nous tendions sans cesse, par les efforts d’une âme pieuse, vers celui qui nous a appelés ! Nos désirs, c’est le fond de notre cœur : si nous leur donnons toute l’énergie possible, nous obtiendrons la récompense. Les divines Écritures, les assemblées du peuple, la célébration des saints mystères, le saint baptême, le chant des louanges de Dieu, et les explications que nous donnons de l’Évangile contribuent non seulement à semer et à faire germer en nous ce désir, mais encore à l’augmenter et à lui donner de telles proportions, qu’il soit capable d’embrasser ce que l’œil de l’homme n’a point vu, ce que son oreille n’a point entendu, ce que son cœur n’a jamais compris. Mais aimez avec moi. Celui qui aime Dieu, n’aime pas beaucoup les richesses. J’ai touché du doigt la plaie, mais je n’ai pas osé dire qu’il n’aime pas les richesses ; j’ai dit qu’il ne les aime pas beaucoup, comme si on pouvait leur donner ses affections, à condition de ne pas les aimer beaucoup. Ah ! si nous aimions Dieu comme nous le devons, nous n’aimerions pas du tout l’argent. La fortune serait pour toi un moyen de vivre ici-bas avec moins de difficulté, mais elle ne servirait pas à aiguiser tes convoitises : tu l’utiliserais à adoucir les besoins, et non à te procurer du plaisir. Aime Dieu, si ce que tu entends,

  1. Ps. 4, 7
  2. Mt. 22, 21