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le sujet de notre conférence de dimanche dernier ; nous avons dit ce qu’il a bien voulu nous inspirer. D’après notre instruction, votre charité a dû comprendre le sens de ces mois : « Son heure n’était pas encore venue ». De là, sans doute, personne n’oserait pousser l’impiété jusqu’à oser impudemment supposer que le Christ ait subi l’irrésistible empire de la fatalité : « l’heure choisie par lui n’était pas encore venue », où, selon ce qui avait été prédit de lui, il devait mourir non point forcément, mais librement et parfaitement préparé au sacrifice.
2. Aujourd’hui, il parle aux Juifs de cette mort qu’il n’a pas subie involontairement, mais qu’il a bien voulu accepter : voici ses paroles : « Je m’en vais ». Pour le Seigneur Jésus, la mort a été un départ pour l’endroit d’où il était venu et d’où il n’était jamais sorti. « Je m’en vais », dit-il, « et vous me chercherez ». Et le mobile de vos recherches ne sera pas le désir de me trouver ; ce sera la haine de ma personne. Après qu’il se fut dérobé aux regards des hommes, il fut recherché par ses ennemis comme par ceux qui l’aimaient : ceux-ci désiraient le posséder, ceux-là le persécutaient. Le Seigneur avait dit lui-même, dans un psaume, par l’organe du Roi-Prophète : « La fuite m’était interdite, et personne ne recherchait ma vie [1] », et encore dans un autre psaume : « Qu’ils se retirent confus et couverts de honte, ceux qui cherchent ma vie[2] ». Il déclare coupables ceux qui ne recherchent pas son âme, et il condamne ceux qui la rechercheront. C’est mal, en effet, de ne pas rechercher la vie du Christ, comme l’ont recherchée ses disciples ; et c’est aussi une faute de la rechercher comme les Juifs l’ont recherchée : ceux-là voulaient la partager avec lui, ceux-ci voulaient en faire la fin. Les Juifs la recherchaient avec des intentions mauvaises et des sentiments coupables ; c’est pourquoi le Sauveur, dit ensuite : « Vous me chercherez », et n’allez pas vous imaginer que vous me chercherez bien ; car « vous mourrez dans votre péché ». Mourir dans son péché, c’est mal chercher Jésus-Christ, c’est haïr Celui qui pourrait seul nous sauver. Les hommes qui ont mis en Dieu leur espérance, ne doivent pas rendre le mal même pour le mal : et les ennemis du Christ lui rendaient le mal pour le bien ; aussi leur annonce-t-il d’avance leur sort à venir : il prononce leur sentence, car il sait ce qui doit leur arriver plus tard ; il leur prédit qu’ils mourront dans leur péché ; puis, il ajoute « Vous ne pouvez venir où je vais ». En une autre circonstance, il avait tenu à ses disciples le même langage, sans toutefois leur dire : « Vous mourrez dans votre péché ». Quelles paroles leur avait-il donc adressées ? Les mêmes qu’aux Juifs : « Vous ne pouvez venir où je vais [3] ». Par là, il ne leur ôtait point l’espérance de le suivre, mais il les avertissait qu’ils n’iraient pas immédiatement avec lui. Au moment où le Sauveur parlait à ses disciples, ils ne pouvaient pas, en effet, aller où il allait lui-même ; mais ils devaient y parvenir plus tard ; pour les Juifs, jamais, puisqu’il leur disait d’avance et en connaissance de cause : « Vous mourrez dans votre péché ».
3. Les Juifs entendirent ces paroles, comme pouvaient les entendre des gens habitués à n’avoir que des pensées charnelles, à juger de tout selon la chair, à tout écouter et à tout comprendre dans un sens charnel ; ils se dirent donc les uns aux autres : « Se tuera-t-il lui-même, puisqu’il dit : Vous ne pouvez venir où je vais ? » Paroles insensées et pleines d’ineptie ! Eh quoi ! si le Christ devait se tuer lui-même, ne pouvaient-ils aller où il irait ? N’étaient-ils pas eux-mêmes destinés à mourir ? Alors, pourquoi s’exprimer ainsi : « Se tuera-t-il lui-même, puisqu’il a dit : Vous ne pouvez venir où je vais ? » S’il voulait parler de sa mort, y en avait-il un seul qui ne dût mourir comme lui ? Par ces mots : « où je vais », il n’entendait donc point parler du moment de sa mort, mais de l’endroit où il devait aller après sa mort. Ils firent donc au Sauveur cette réponse, parce qu’ils ne le comprenaient pas.
4. À ces hommes imbus d’idées toutes terrestres, que dit le Sauveur ? « Et il leur dit : Vous êtes d’en bas ». Vous avez des goûts terrestres, parce qu’à l’exemple des serpents, vous vous nourrissez de terre, Qu’est-ce à dire : Vous vous nourrissez de terre ? Vous faites, de pensées terrestres, l’aliment de vos âmes : vous trouvez vos délices dans les choses de ce monde ; c’est vers elles que tendent vos désirs les plus ardents : vos

  1. Ps. 141, 5
  2. Id. 29, 15
  3. Jn. 13, 33