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dire, entre l’une et l’autre hérésie ; nous possédons la vérité. Suivant l’erreur des Sabelliens, il n’y a en Dieu qu’une seule personne, Père et Fils tout ensemble. Selon les Ariens, autre est le Père, autre est le Fils, en ce sens, toutefois, que le Fils est non seulement une autre personne que le Père, mais aussi d’une autre nature. Et toi, qui tiens le milieu entre eux, que crois-tu ? Tu repousses le sabellianisme ; repousse également l’erreur des Ariens. Le Père est le Père, le Fils est le Fils ; l’un n’est pas l’autre, mais ils ne sont pas autre chose. Parce que, dit le Christ, « moi et mon Père, nous sommes un [1] ». Je vous l’ai expliqué hier autant que possible. À ce mot : « Nous sommes », le sabellien doit s’éloigner couvert de confusion ; qu’à cet autre : « un », l’Arien fasse de même. Pour le catholique, il faut qu’il dirige la barque de sa foi entre ces deux écueils, et prenne garde de périr en se précipitant sur l’un ou sur l’autre. Répète donc ces paroles de l’Évangile : « Moi et mon Père, nous sommes un ». Il n’y a pas de diversité de nature là où il y a « unité », et quand il est dit : « Nous sommes », il n’y a pas qu’une seule personne.
7. Quelques instants auparavant, Jésus avait dit : « Mon jugement est véritable, parce que je ne suis pas seul, et que le Père, qui m’a envoyé, est avec moi ». Mon jugement est véritable, par la raison que je suis le Fils de Dieu, que je parle selon la vérité, que je suis la vérité même. Les Juifs, ayant donné à ses paroles un sens charnel, lui avaient répondu où est ton Père ? O Arien, écoute maintenant ce qu’il ajoute : « Vous ne connaissez ni moi ni mon Père ; car si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père ». Quand tu vois un homme pareil à un autre ; que votre charité le remarque, je vous parle tomme on vous parle tous les jours : par conséquent, cette manière de m’exprimer, en usage parmi vous, ne doit point vous offrir d’obscurités : quand tu vois un homme pareil à un autre que tu connais déjà, tu es tout surpris de cette ressemblance, et tu dis : Comment celui-ci peut-il ressembler ainsi à celui-là ? Tu ne parlerais pas de la sorte, s’il n’était question de deux hommes différents. Un voisin, qui ne connaît nullement l’homme auquel tu compares le second, te fait cette question : Comme il lui ressemble ? – Et tu lui répons : Eh quoi ! ne le connais-tu pas ? – Non.— Alors, pour lui faire connaître celui qu’il n’a jamais vu, tu lui montres l’homme qui se trouve devant lui, et tu dis Regarde celui-ci, et tu auras vu l’autre. En t’exprimant de cette manière, tu n’as évidemment pas affirmé que ces deux hommes, au lieu d’être deux hommes, n’en font qu’un ; mais à cause de leur mutuelle ressemblance, tu as fait cette réponse : Tu connais celui-ci ; par là même, tu connais celui-là, car tous deux se ressemblent à tel point, qu’il n’y a entre eux aucune différence. Aussi le Sauveur dit-il : « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père » ; non que le Fils soit le Père, mais parce que le Fils est semblable au Père. Que l’Arien rougisse. Grâces à Dieu de ce que cet hérétique s’est éloigné de l’erreur de Sabellius, et n’est point Patripassien : il ne dit pas que le Père se soit incarné ; soit venu en ce monde, ait souffert, soit ressuscité et remonté en quelque sorte vers lui-même ; il ne dit pas cela : il reconnaît avec moi que le Père est le Père, et que le Fils est le Fils. Mais, ô mon frère, puisque tu as échappé à un écueil, pourquoi te précipiter sur l’autre ? Le Père est le Père ; le Fils est le Fils. Pourquoi dire le Fils dissemblable ? Pourquoi différent ? Pourquoi d’une autre nature ? S’il était dissemblable, dirait-il à ses Apôtres : « Celui qui m’a vu a vu le Père ? » dirait-il aux Juifs : « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père ? » Et, en parlant ainsi, dirait-il la vérité, si ces autres paroles n’étaient pas vraies : « Moi et mon Père, nous sommes un ? »
8. « Jésus dit ces paroles dans le parvis du « trésor, enseignant dans le temple u. Grande confiance, exempte de crainte ! Car, celui qui ne serait pas devenu semblable à nous, s’il ne l’avait pas voulu, ne devait pas souffrir s’il n’y consentait. Enfin, que lisons-nous encore ? « Et nul ne se saisit de lui, parce que son « heure n’était pas encore venue ». Ces paroles sont aussi pour plusieurs un motif de croire que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été soumis à la fatalité ; aussi disent-ils, vous le voyez le Christ avait un sort. Ah ! si ton cœur n’était pas infatué, tu ne croirais pas à cette fatalité ! Ce mot de fatalité, que plusieurs emploient pour l’appliquer au Christ, est un dérivé du Verbe fari, qui veut dire : parler.

  1. Jn. 10, 30