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sourds par rapport aux passages qui ont trait à sa divinité ; leur surdité venait de la manière défectueuse dont ils entendaient les paroles évangéliques. D’autres n’ont fait attention qu’aux endroits où il s’agissait des grandeurs du Christ ; aussi n’ont-ils pas cru au texte sacré même quand ils y ont lu que, par bonté pour nous, il s’est fait homme ; à leurs yeux, ces passages sont mensongers ; une main étrangère les a interpolés dans l’Évangile. Le Seigneur Jésus, disaient-ils, était Dieu, mais il n’était pas homme. La croyance des uns était donc bien différente de celle des autres ; et, néanmoins, les uns et les autres se trompaient. Pour l’Église catholique, elle soutient ce qu’il y a de vrai dans chacune de ces opinions, elle proclame ce qu’elle croit ; elle sait reconnaître, dans le Sauveur, la divinité et l’humanité ; car l’existence en lui des deux natures est réelle, et se trouve inscrite en toutes lettres dans l’Évangile. Si tu ne vois dans Jésus-Christ que le Dieu, tu refuses de reconnaître le moyen dont il s’est servi pour te guérir ; à ne le considérer que comme un homme, tu lui dénies le pouvoir qui lui a servi à te créer. Âme fidèle, cœur catholique, reconnais donc en lui le Dieu et l’homme ; reconnais-le, crois-le, avoue-le en toute sincérité. Oui, le Christ est en même temps Dieu et homme. Comment est-il Dieu ? Il est égal au Père ; il est une seule et même chose avec lui. Comment est-il homme ? Il est né d’une Vierge, il s’est revêtu de notre chair mortelle, sans, toutefois, se revêtir de notre penchant au péché.
3. Quant aux Juifs, interlocuteurs de Jésus, ils voyaient en lui l’homme, mais ils ne comprenaient pas qu’il fût Dieu et ne le croyaient point tel ; vous savez déjà, entre autres choses, qu’ils lui avaient dit : « Tu rends témoignage de toi-même ; ton témoignage n’est pas véritable [1] ». Vous connaissez aussi la réponse du Sauveur, puisqu’on vous en a hier donné lecture, et que, dans la mesure de nos forces, nous l’avons expliquée. Aujourd’hui on nous a lu ces autres paroles : « Vous jugez selon la chair ». Vous me dites : « Tu rends témoignage de toi-même, ton témoignage n’est pas véritable » Pourquoi me parlez-vous ainsi ? Parce que « vous jugez selon la chair », parce que vous ne comprenez pas que je sois Dieu ; parce que vous ne voyez en moi qu’un simple homme, et qu’en persécutant mon humanité, vous faites injure à ma divinité cachée. Évidemment, « vous jugez selon la chair ». Parce que je rends témoignage de moi-même, vous me regardez comme un orgueilleux. Quiconque, en effet, veut parler de soi-même en termes élogieux, passe pour un homme rempli d’arrogance et d’orgueil ; voilà pourquoi il est écrit : « Que tes louanges sortent, non pas de ta bouche, mais de celle de ton prochain [2] ». Cette leçon a été donnée à l’homme seulement, car nous sommes faibles, et nous parlons à des faibles ; nous pouvons dire la vérité et le mensonge, et quoique notre devoir soit de parler le langage de la vérité, nous pouvons, néanmoins, aussi tenir un langage trompeur, si telle est notre volonté. Pour la lumière, elle est incapable de mentir ; comment rencontrer les obscurités du mensonge au grand jour de la lumière divine ? Jésus s’exprimait comme lumière, comme vérité ; mais si la lumière brillait dans les ténèbres, les ténèbres ne la comprenaient point ; aussi jugeaient-elles selon la chair. « Vous jugez selon la chair », leur dit-il.
4. « Moi, je ne juge personne ». Est-il bien vrai que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne juge personne ? N’est-il pas celui-là même qui, de notre propre aveu, est ressuscité d’entre les morts le troisième jour, qui est monté au ciel, qui est assis à la droite du Père, d’où il viendra juger les vivants et les morts ? N’est-ce point là notre croyance, cette croyance dont l’Apôtre a dit : « On croit de cœur pour obtenir la justice, et l’on confesse de bouche pour obtenir le salut[3] ? » Quand nous faisons cette confession, contredisons-nous le Sauveur ? Nous disons qu’il viendra juger les vivants et les morts, et lui nous dit : « Je ne juge personne ». Cette difficulté peut être résolue de deux manières ; ou bien ces paroles signifient : « Je ne juge personne » maintenant, selon ces autres : « Je ne suis point venu pour juger le monde, mais pour le sauver[4] » ; et par là, il ne nie pas qu’il doive exercer le jugement ; il le remet seulement à une époque plus éloignée ; ou bien, comme il avait dit : « Vous jugez selon la chair », il ajoute : « Je ne juge personne », sous-entendu selon la chair. Nous ne devons donc avoir dans le cœur aucun scrupule, aucune inquiétude

  1. Jn. 8, 12
  2. Prov. 27, 2
  3. Rom. 10, 10
  4. Jn. 12, 47