Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/586

Cette page n’a pas encore été corrigée

éternité ; écoute donc l’apôtre Pierre : il affirme que ces paroles ont été adressées au Seigneur Jésus du sein de la suprême puissance : « Tu es mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances : nous avons nous-mêmes entendu cette voix, qui descendait du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la montagne sainte ». Mais parce que nous n’étions pas là, nous, et que nous n’avons pas entendu cette voix, le même Pierre nous dit : « Nous avons, d’ailleurs, une preuve encore plus frappante dans les oracles des Prophètes ». Vous n’avez pas entendu la voix qui descendait du ciel, mais vous avez une preuve encore plus frappante dans les oracles des Prophètes. Notre-Seigneur Jésus-Christ a envoyé devant lui les Prophètes, car il prévoyait que des impies s’élèveraient plus tard, attaqueraient ses miracles et les attribueraient à la magie. Et, de fait, sites honneurs divins qu’on lui rendait, même après sa mort, pouvaient être considérés comme un effet de la magie, et prouvaient qu’il était un magicien, avait-on le droit d’en dire autant des prophéties faites avant sa naissance ? Écoute les Prophètes, ô homme que la mort a frappé, que les vers rongent déjà, et qui calomnies encore ; écoute les Prophètes : je lis ; prête l’oreille aux paroles d’hommes qui ont précédé le Sauveur sur la terre. « Nous avons », dit l’apôtre Pierre, « nous avons une preuve encore plus frappante dans les oracles des Prophètes, sur lesquels vous faites bien d’arrêter les yeux comme sur le flambeau qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs [1] ».
9. Lors donc que Notre-Seigneur Jésus-Christ sera venu, et que, selon l’expression de l’apôtre Paul, il aura éclairé ce qui est caché dans les ténèbres, et découvert les plus secrètes pensées des cœurs, afin de rendre à chacun la louange à laquelle il a droit[2], alors brillera le véritable jour, et les lampes deviendront inutiles. On ne lira plus devant nous les oracles des Prophètes, on ne mettra plus sous nos yeux le livre de l’Apôtre : nous ne nous appuierons pas davantage sur le témoignage de Jean, l’Évangile lui-même ne nous sera nullement nécessaire. Les Écritures disparaîtront donc du milieu de nous : pareilles à des lampes allumées, elles nous ont été données pendant la nuit de ce siècle, pour nous empêcher de rester plongés dans les ténèbres ; mais elles nous seront enlevées, parce que nous n’aurons plus besoin qu’elles nous éclairent : les hommes de Dieu eux-mêmes, qui nous les ont fournies, contempleront, comme nous, les éclatants rayons de la lumière véritable ; tous secours nous seront retirés. Alors, que verrons-nous ? De quoi notre âme se nourrira-t-elle ? Quel spectacle réjouira nos yeux ? D’où nous viendra ce bonheur que l’œil de l’homme n’a point vu, que son oreille n’a point entendu, que son cœur n’a jamais compris[3] ? Que verrons-nous ? Je vous en conjure, aimez avec moi ; avec moi, courez par la foi : désirons-nous arriver à l’éternelle patrie ? soupirons après elle, et souvenons-nous que nous sommes ici-bas des voyageurs. Que verrons-nous ? Lisons l’Évangile : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[4] ». Tu viendras puiser à la source du sein de laquelle s’est échappée la rosée si souvent répandue sur toi ; tu verras face à face la lumière, dont les rayons ne sont venus qu’obliquement et par réfraction, dissiper les ténèbres de ton cœur : c’est pour la voir et pouvoir la supporter que tu te purifies aujourd’hui. Aussi, Jean nous adresse-t-il ces paroles, que j’ai hier rappelées à votre souvenir : « Mes bien-aimés, nous sommes maintenant les enfants de Dieu ; mais ce que nous serons un jour n’apparaît pas encore. Nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous le verrons tel qu’il est [5] ». Je le sens, vos affections sont, avec les miennes, dirigées vers le ciel ; mais ce corps, condamné à se corrompre, appesantit l’âme, et cette habitation terrestre abat l’esprit capable des plus hautes pensées[6]. Mais il me faut quitter ce livre, et chacun de nous va retourner à ses affaires personnelles. Nous nous sommes trouvés bien d’apercevoir ensemble les rayons de la même lumière : nous nous sommes réjouis, et nous avons tressailli d’allégresse. Puissions-nous toutefois, en nous séparant les uns des autres, ne pas nous éloigner de cette clarté brillante !

  1. 2 Pi. 1, 17-19
  2. 1 Cor. 4, 5
  3. 1 Cor. 2, 9
  4. Jn. 1, 1
  5. 1 Jn. 3, 2
  6. Sag. 9,15