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comment tu pourrais agir pour vivre de cette vie dont il a été dit : « En vous est la source de la vie ? » Un jeune homme a reçu cette réponse : « Va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens et suis-moi ». Ce jeune homme s’éloigna, la tristesse dans le cœur, mais il ne suivit pas le Sauveur ; il désirait recevoir les leçons d’un bon maître : pour cela, il interrogea le souverain Docteur, mais il en méprisa les enseignements ; il s’en retourna plein de tristesse, parce qu’il était enchaîné par ses convoitises : il s’en retourna tout triste, parce qu’il portait sur ses épaules une énorme besace remplie d’avarice [1]. Il marchait péniblement et suait : son conseiller voulut lui faire ôter sa besace, mais il s’imagina devoir plutôt abandonner un tel maître que le suivre. Le Sauveur, par son Évangile, a dit hautement à tous les hommes : « Venez à moi, vous tous qui êtes chargés et qui souffrez, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur[2] ». Depuis ce moment, combien d’hommes, après avoir entendu ces paroles de l’Évangile, ont mis en pratique ce que n’a pas fait ce riche, même après en avoir entendu le précepte tomber des lèvres du divin Maître ! À nous donc, maintenant, d’agir et de suivre Jésus-Christ ; brisons les fers qui nous empêchent de marcher sur ses traces. Mais qui pourra nous débarrasser de telles entraves, sinon celui à qui le Prophète a dit : « Vous avez rom pu mes chaînes [3] ». Et encore, dans un autre psaume : « Le Seigneur délie les captifs, le Seigneur redresse ceux qui sont courbés[4] ».
9. Et ces hommes débarrassés de leurs biens, et ces hommes redressés, que suivent-ils, sinon la lumière qui leur adresse ces paroles : « Je suis la lumière du monde : celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres ? » Parce que le Seigneur éclaire les aveugles. Mes frères, ils voient donc maintenant la lumière, ceux qui possèdent le collyre de la foi. Le Sauveur mêla d’abord sa salive avec de la poussière, puis il se servit de ce mélange pour frotter les yeux de l’aveugle-né[5]. Par la faute d’Adam, nous sommes nés aveugles, et il faut que la lumière du Sauveur vienne nous éclairer. Il a mêlé de la salive avec de la terre, car « le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous [6] ». Il a mêlé de la salive avec de la terre ; aussi avait-il été dit d’avance : « La vérité est sortie du sein de ta terre[7] ». Le Sauveur a dit lui-même : « Je suis la voie, la vérité et la vie[8] ». Nous jouirons de la vérité, lorsque nous verrons Dieu face à face ; parce qu’il nous le promet. Y aurait-il, en effet, un homme assez audacieux pour espérer ce que Dieu n’aurait daigné ni promettre ni donner ? Nous verrons Dieu face à face : l’Apôtre l’a dit : « Aujourd’hui, je ne connais le Seigneur qu’imparfaitement, en énigme, comme dans un miroir : alors, je le verrai face à face[9] ». L’apôtre saint Jean s’est exprimé de la même manière dans une de ses épîtres : « Mes bien-aimés, nous sommes maintenant les enfants de Dieu, mais ce que nous serons un jour ne paraît pas encore. Nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est[10] ». Voilà une bien grande promesse. Si tu aimes Dieu, suis-le donc. – Je l’aime, me dis-tu ; mais par quel chemin le suivrai-je ? – Si le Seigneur ton Dieu t’avait dit : Je suis la vérité et la vie, dès lors que la vérité et la vie seraient l’objet de tes plus ardents désirs, tu ferais évidemment tous tes efforts pour trouver le chemin qui pourrait t’y conduire ; tu te dirais à toi-même : La vérité et la vie, ce sont de bien grandes choses : si seulement mon âme pouvait trouver le moyen d’y parvenir ! Tu cherches ce moyen ? Écoute le Sauveur, voici sa première parole : « Je suis la voie ». Avant de t’apprendre où tu dois le suivre, il t’indique le chemin : « Je suis la voie ». Où te conduira-t-elle ? « Et la vérité et la vie ». Il t’enseigne d’abord par quelle route tu dois marcher, puis à quel but tu parviendras. Je suis la voie, je suis la vérité, je suis la vie. En tant qu’il demeure dans le Père, il est la vérité et la vie ; il est la voie, parce qu’il s’est revêtu de notre humanité. On ne te dit pas : Fatigue-toi à chercher le chemin qui te mènera à la vérité et à la vie : non, ce n’est pas là ce qu’on te dit. Paresseux, lève-toi ; la voie elle-même s’est approchée de toi, elle t’a fait sortir du sommeil où tu

  1. Mt. 19, 16-22
  2. Id. 11, 28-29
  3. Ps. 115, 16
  4. Id. 145, 8
  5. Jn. 9, 6
  6. Jn. 1, 14
  7. Ps. 84, 12
  8. Jn. 14, 6
  9. 1 Cor. 13, 12
  10. 1 Jn. 3, 2