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leurs yeux[1]. Puis, dix jours s’étant écoulés, il fit descendre sur eux le Saint-Esprit, à la fête de la Pentecôte : alors, selon ce que je viens de dire, tous ceux qui se trouvaient réunis dans le même endroit furent remplis de l’Esprit-Saint et parlèrent le langage de toutes les nations [2].
7. Maintenant, mes frères, de ce qu’aujourd’hui un homme reçoit le baptême du Christ et croit en lui, sans néanmoins parler toutes les langues, est-on en droit de croire qu’il n’a pas reçu le Saint-Esprit ? Plaise à Dieu d’écarter de notre cœur une aussi injuste pensée. Nous en sommes sûrs, tout chrétien a reçu l’Esprit de Dieu ; mais plus grand est le vase de foi qu’il a apporté à cette source féconde, plus grande est la quantité d’eau qu’il y puise. Mais, dira quelqu’un, puisqu’on reçoit encore aujourd’hui l’Esprit-Saint, comment se fait-il qu’on ne parle plus toutes les langues ? Parce que maintenant toutes les langues sont parlées dans l’Église. Auparavant, cette Église qui parlait toutes les langues, ne comprenait dans son sein qu’une seule nation. Parler toutes les langues, c’était de sa part annoncer qu’elle étendrait ses limites parmi les divers peuples, et parlerait comme eux tous. Celui qui ne fait point partie de cette Église ne reçoit pas, même maintenant, le Saint-Esprit, car il est retranché et séparé de l’unité des membres : qu’il se renonce lui-même, et il le possédera : et s’il le possède, qu’il en donne donc la preuve qu’en donnaient les Apôtres. Qu’il en donne la preuve qu’en donnaient les Apôtres, qu’est-ce à dire ? Qu’il parle toutes les langues. Eh quoi ! me répond le chrétien auquel je m’adresse, parles-tu toutes les langues ? – Oui, je les parle, car ma langue est universelle, ou, en d’autres termes, ma langue est celle du corps auquel j’appartiens. Répandue parmi toutes les nations, l’Église en parle les différentes langues ; or, l’Église, c’est le corps du Christ : tu fais partie de ce corps, en qualité de membre, et puisque tu fais partie d’un corps qui parle toutes les langues, crois donc que tu les parles aussi. L’unité des membres est le résultat de la charité, et leur ensemble parle comme chaque Apôtre parlait immédiatement après la venue du Saint-Esprit.
8. Nous aussi, nous recevons l’Esprit-Saint, si nous aimons l’Église, si la charité nous unit, si nous avons le bonheur de nous appeler catholiques et d’en avoir la foi. Croyons-le, mes frères : autant on aime l’Église du Christ, autant on entre en participation de l’Esprit – Saint ; car, nous dit l’Apôtre, il a été donné « pour se manifester ». Et comment doit-il se manifester ? Saint Paul nous le dit encore : « L’uni reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse : l’autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science : un autre reçoit le don de la foi par le même Esprit ; un autre reçoit du même Esprit le don de guérir les maladies ; un autre, le don des miracles ». On reçoit de lui beaucoup de dons destinés à être manifestés, mais peut-être n’en as-tu reçu aucun de ceux que je viens de nommer. Si tu aimes l’Église, il est sûr que tu n’en es pas absolument dépourvu ; car si tu tiens de cœur à l’ensemble de l’Église, tu partages avec ceux qui les possèdent les dons de l’Esprit de Dieu. Ne sois point envieux : tout ce que je possède t’appartient : je ne veux moi-même nourrir aucun sentiment de jalousie, car ce que tu possèdes est à moi. L’envie produit la séparation ; l’union, tel est l’effet de la charité. Dans le corps humain, l’œil seul ale privilège de la vue ; mais est-ce pour lui seul qu’il en jouit ? Il le possède pour la main, pour le pied, pour tous les autres membres, et si le pied reçoit un coup, l’œil ne s’en détourne pas, afin de ne rien voir et de ne rien prévoir. De même, la main est le seul de tous les membres pour travailler ; mais travaille-t-elle pour elle seule ? Elle le fait aussi pour l’œil. Ainsi, qu’on vienne à vouloir frapper, non pas la main, mais le visage, celle-ci dit-elle : Je ne me remue point, puisque ce n’est pas moi qu’on veut blesser ? Par la marche, le pied travaille encore pour tous les autres membres : tous les membres gardent le silence, la langue parle pour tous. Nous sommes donc en participation du Saint-Esprit, si nous aimons l’Église ; et nous l’aimons dès que, par la charité, nous ne faisons qu’un avec tout son ensemble. Après avoir dit qu’aux différents hommes sont accordés différents dons, comme à certains membres sont dévolues certaines fonctions du corps humain, l’Apôtre ajoute : « Mais je vous montrerai encore une voie beaucoup plus excellente ». Et il commence à parler de la charité : il la préfère au langage des anges et

  1. Act. 1, 3,9
  2. Id. 2, 1, 6