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quelques-uns, destinés à lui appartenir ; il demandait leur pardon au moment même où ils l’insultaient : et ce qu’il considérait alors, ce n’était pas la mort qu’ils lui donnaient, c’était la mort qu’il endurait pour eux. Ce fut pour eux un grand bienfait que cette mort donnée par eux, et endurée pour leur salut ; aussi, quand on voit que les bourreaux du Sauveur ont obtenu le pardon de leur déicide, on n’a plus le droit de désespérer du pardon de ses propres fautes. Le Christ est mort pour nous, mais avons-nous trempé nos mains dans son sang ? Il est mort, victime de leur scélératesse ; ils lui ont vu rendre le dernier soupir, et ils ont cru en lui, très qu’il leur eut pardonné leur crime. Pendant qu’ils s’abreuvaient du sang divin qu’ils avaient répandu, ils désespéraient de leur salut ; voilà pourquoi il leur dit : « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et là, où je suis, vous ne pouvez venir », car ils devaient le chercher après sa résurrection, dans les sentiments du plus profond repentir. Il ne dit pas : Où je serai ; mais « Où je suis », parce que le Christ était toujours là où il devait retourner ; il en était venu, sans pour cela s’en éloigner. À cet égard, il dit en un autre endroit : « Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel [1] ». Il ne dit pas, remarquez-le bien : Qui a été au ciel. Il parlait ici-bas, et il disait qu’il était dans le ciel. Il en est descendu sans en sortir ; il y est remonté sans nous délaisser. Pourquoi vous en étonner ? Il s’agit de Dieu. Par son corps, l’homme se trouve en un endroit, et il en sort ; et quand il a pénétré dans un autre, il n’est plus dans celui où il se trouvait auparavant. Pour Dieu, il remplit tous les lieux ; il est tout entier partout ; il n’est renfermé nulle part, dans un espace quelconque. En tant qu’homme, Notre-Seigneur Jésus-Christ se trouvait sur la terre ; par son infinie et invisible majesté, il était sur la terre et dans le ciel ; aussi dit-il : « Là où je suis, vous ne pouvez venir ». Il ne dit pas Vous ne pourrez venir ; mais : « Vous ne pouvez venir », car alors ses interlocuteurs n’étaient pas en position de pouvoir le suivre. Et n’allez pas croire qu’il s’était primé de la sorte pour les décourager, car il avait tenu aussi à ses disciples un discours semblable : « Là où je vais, vous ne pouvez venir[2] ». Il avait encore adressé pour eux à son Père cette prière : « Père, je désire que là où je suis, ceux-ci y soient aussi [3] ». Il avait fait entendre à Pierre la même vérité, en ces termes : « Tu ne peux maintenant me suivre où je vais, mais tu me suivras un jour [4] ».
10. « Les Juifs dirent », non pas en s’adressant à lui, mais en s’adressant à eux-mêmes : « Où doit aller celui-ci, puisque nous ne le trouverons point ? Doit-il aller vers ceux qui sont dispersés parmi les nations, et enseigner les Gentils ? » Ils ne savaient ce qu’ils disaient, mais ils prophétisaient, parce que telle était la volonté du Christ. Il devait, en effet, aller parmi les nations, non pas personnellement, sans doute, mais par l’intermédiaire de ses pieds. Quels étaient ses pieds ? Ceux que Saul persécutait et voulait écraser, au moment où le chef lui cria : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Quel est le sens de ces paroles du Sauveur : « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez point, et là où je suis, vous ne pouvez venir ? » Comment a-t-il pu dire qu’ils étaient ignorants, quand, malgré leur ignorance, ils ont prédit d’avance ce qui devait arriver ? Jésus s’est exprimé de la sorte, parce qu’effectivement ils ne connaissaient point le lieu (si toutefois on peut désigner sous ce nom le sein du Père), que n’a jamais quitté le Fils unique de Dieu : ils n’étaient pas même capables d’imaginer en quel endroit était le Christ, de quel endroit il ne s’était jamais éloigné, en quel lieu il devait retourner, ni où il avait sa demeure permanente. Comment l’esprit humain serait-il à même de s’en faire une idée ? Il est encore bien plus impossible à une langue humaine de l’expliquer. Les Juifs ne comprenaient donc rien à ce mystère, et cependant, à cette occasion, ils annoncèrent d’avance notre salut, puisqu’ils prédirent que le Sauveur irait vers ceux qui étaient dispersés parmi les nations, et qu’il accomplirait à la lettre ce qu’ils lisaient dans l’Écriture sans te comprendre : « Le peuple que je ne connaissais pas, m’a servi : il a prêté une oreille attentive à ma voix [5] ». Les hommes, qui ont vu de leurs yeux l’accomplissement de cette prophétie, ne l’ont point comprise, et

  1. Jn. 3, 13
  2. Jn. 13, 33
  3. Id 18, 24
  4. Id. 13, 36
  5. Ps. 17, 45