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sabbat ; mais parce que vous comprenez bien en quoi elles consistent, vous donnez la circoncision sans crainte d’offenser votre Dieu ; car « celui qui commet le péché est l’esclave du péché [1] ». Mais est-ce bien une œuvre servile que guérir un homme le jour du sabbat ? Vous mangez et vous buvez (j’emprunte cette manière de m’exprimer à l’instruction même et au discours adressés aux Juifs par le Sauveur) ; vous mangez et vous buvez le jour du sabbat, pourquoi ? évidemment par le motif que cette action est nécessaire à votre santé. Par là, vous en donnez la preuve convaincante ; il n’est pas prescrit d’omettre ce qui a trait à notre santé : « Ne jugez » donc « pas avec acception de personnes, mais jugez avec un jugement droit ». Regardez-moi comme un homme, regardez aussi comme tel votre Législateur, et si vous jugez selon la vérité, vous ne condamnerez ni Moïse ni moi, et par la connaissance que vous aurez acquise de la vérité, vous reconnaîtrez que je suis la vérité [2].
7. Il est très-difficile d’éviter ici-bas le grave inconvénient que le Sauveur nous signale en cet endroit, l’inconvénient de juger avec acception de personnes, au lieu de juger avec impartialité et droiture. C’était sans doute aux Juifs que Jésus adressait cet avertissement ; mais nous devons aussi en profiter, c’était son intention : car s’il voulait les convaincre, il prétendait également nous instruire ; de ses paroles résultaient pour eux une preuve sans réplique, et pour nous une leçon facile à comprendre. N’allons pas nous imaginer qu’elles ne nous concernent en rien, par cette raison qu’elles ne nous ont pas été directement adressées. Elles ont été écrites, on nous les a lues, pendant qu’on les récitait nous les avons entendues. Il nous semblait qu’elles s’adressaient seulement aux Juifs mais ne nous retirons pas à l’arrière-plan ne les considérons pas comme s’appliquant aux seuls ennemis du Sauveur ; ne faisons nous-mêmes rien que la vérité puisse blâmer en nous. Les Juifs jugeaient avec acception de personnes ; aussi n’appartiennent-ils pas au Nouveau Testament ; aussi ne possèdent-ils point le royaume des cieux en Jésus-Christ, et ne sont-ils pas non plus en union de société avec les saints Anges. Ils demandaient à Dieu les avantages de la terre, car la terre promise, la victoire remportée sur leurs ennemis, la fécondité dans le mariage, le grand nombre des enfants, l’abondance des récoltes, voilà ce que le Seigneur s’était engagé à leur donner ; pour leur réserver une pareille récompense, il n’en était pas moins la vérité et la bonté même, car il ne la leur réservait que parce qu’ils étaient des hommes charnels ; voilà tout ce qui constitua pour eux l’Ancien Testament. Qu’est-ce que l’Ancien Testament ? C’est comme l’héritage destiné au vieil homme. Nous avons été renouvelés, nous sommes devenus l’homme nouveau, parce Jésus-Christ, l’homme nouveau, est venu naître d’une Vierge ; se peut-il une chose aussi nouvelle ? Parce que la Loi ne pouvait rien renouveler en lui, parce qu’en lui use se trouvait aucun péché, une naissance d’un nouveau genre fut la sienne. En lui donc une naissance nouvelle, en nous un homme nouveau. Qu’est-ce qu’un homme nouveau ? Un homme renouvelé de la vieillesse. En quoi ? En ce qu’il désire les choses du ciel, en ce qu’il souhaite posséder les choses éternelles, en ce qu’il soupire après la patrie d’en haut, où l’on n’a plus à redouter les attaques de l’ennemi, où l’on ne perd plus ses amis, ou l’on ne craint plus de rencontrer des adversaires, où l’on vit avec toutes les perfections, sans aucun défaut ; où personne ne reçoit le bienfait de la vie, parce que personne n’y succombe aux coups de la mort, où nul homme ne réussit parce qu’aucun n’y supporte de pertes ; où, enfin, ni la faim ni la soif ne se font sentir, parce qu’on s’y abreuve d’immortalité et que la vérité y tient lieu de nourriture. Tel est l’objet des promesses qui nous ont été faites, nous appartenons au Nouveau Testament, nous partageons le nouvel héritage, nous sommes devenus les cohéritiers du Sauveur lui-même ; nous avons donc des espérances bien autres que celles des Juifs ; ne jugeons donc pas avec partialité, mais jugeons avec droiture.


8. Quel est celui qui juge impartialement ? Celui qui aime autant les uns que les autres. Une charité égale pour tous écarte toute acception de personnes. Si nous n’honorons pas les hommes d’une manière différente, selon la position qu’ils occupent dans le monde, il est à craindre que nous fassions acception de quelqu’un. Quand nous avons à nous prononcer entre deux personnes liées

  1. Jn. 8, 34
  2. Id. 14, 6