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l’exacte vérité ; car ils n’eussent point tenu à la vérité un pareil langage, s’ils n’avaient subi l’influence de l’esprit de mensonge. Aussi, que leur répondit-il ? Écoutons-le tranquillement, et que ses paroles si calmes descendent en nos cœurs comme un bienfaisant breuvage. « J’ai fait une œuvre, et vous vous en êtes étonnés ». C’était comme s’il leur disait : Que serait-ce donc si vous contempliez toutes mes œuvres ? Toutes les merveilles de l’univers étaient sorties de ses mains, ils les voyaient, et, cependant, ils ne le reconnaissaient pas, lui qui en était l’auteur. Il n’a fait qu’une œuvre en leur présence, il a guéri un homme le jour du sabbat, et ils sont tombés dans le trouble. Si un malade relevait de son infirmité le jour du sabbat, tiendrait-il sa guérison d’un médecin autre que Celui au sujet de qui ils s’étaient scandalisés, pour l’avoir vu guérir un homme à pareil jour ? La guérison d’un malade peut-elle venir d’ailleurs que de la santé même, que de celui qui donne aux animaux une vigueur pareille à la vigueur rendue par lui à cet homme ? Il avait opéré une guérison corporelle. La santé du corps se répare et finit par disparaître sous les coups de la mort ; rétablissez-la, vous éloignez la mort pour un moment, mais vous ne lui ôtez pas ses droits. Toutefois, mes frères, la guérison vient toujours de Dieu lui-même, n’importe par qui soit rendue la santé. Qu’elle soit réparée, rétablie et rendue par celui-ci ou par celui-là, elle n’en vient pas moins, en définitive, de Celui qui est la source de toute santé, selon cette parole du Psalmiste : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les animaux selon votre grande miséricorde, ô mon Dieu ». Parce que vous êtes Dieu, vos infinies miséricordes vont jusqu’à faire vivre le corps de l’homme, et même les animaux qui ne peuvent proclamer vos louanges : vous donnez aux hommes et aux animaux un principe de vie pareille ; mais ne réservez-vous pas aux hommes une vie plus particulière, plus spéciale ? Oui, il est un autre genre de vie que les brutes ne partagent pas avec les hommes, qui ne sera pas non plus réservé également aux bons et aux méchants. Après avoir parlé de l’existence que Dieu accorde aussi bien aux bêtes qu’aux hommes, le Psalmiste appelle notre attention sur cette autre vie, que doivent espérer les hommes seuls, non pas encore tous les hommes, mais uniquement les hommes vertueux ; c’est pourquoi il continue et ajoute : « Les enfants des hommes espèrent à l’ombre de vos ailes ; ils seront enivrés de l’abondance de votre maison ; vous les abreuverez du torrent de vos délices ; car en vous est la source de la vie, et, dans votre lumière, nous verrons la lumière [1] ». Voilà la vie réservée aux bons, à ceux qu’il désignait sous le nom d’enfants des hommes, quand il disait d’abord : « Seigneur, votre Providence gardera les hommes et les animaux ». Eh quoi, en effet ? De ce que ces paroles : « Pour les enfants des hommes », viennent après celles-ci : « Les hommes », s’ensuit-il que les hommes n’étaient pas les enfants des hommes, comme si par le mot « hommes », il fallait entendre toute autre chose que par ceux-ci : « Les enfants des hommes ? » Je ne suppose pas néanmoins qu’en s’exprimant ainsi, le Saint-Esprit n’ait voulu mettre aucune différence entre la signification de l’un et la signification de l’autre. Celui-là : « Les hommes », a trait à Adam ; ceux-là : « Les enfants des hommes », au Christ ; car peut-être « les hommes » sont-ils les descendants d’Adam ; et les enfants des hommes sont-ils les fidèles disciples du Christ.
4. « Je n’ai fait qu’une œuvre, et vous en êtes tout étonnés ». Immédiatement après, il ajoute : « Moïse vous a donné la circoncision ». Il est juste que vous ayez reçu de Moïse le précepte de la circoncision, « non qu’elle soit venue de lui, mais parce qu’elle « est venue des patriarches » ; Abraham l’a reçue le premier de Dieu lui-même[2]. « Et vous donnez la circoncision au jour du sabbat ». Par là Moïse vous condamne. La loi vous oblige de circoncire un enfant huit jours après sa naissance[3] : la même loi exige que vous vous reposiez le septième jour[4] ; mais si l’octave de la naissance de votre enfant tombe au jour du sabbat, que ferez-vous ? Vous reposerez-vous pour observer le septième jour, ou bien donnerez-vous la circoncision, pour ne point omettre la cérémonie sacrée de l’Octave ? Mais, dit-il, je sais ce que vous faites : « vous donnez la circoncision à l’enfant ». Pourquoi ? parce qu’elle exprime une certaine idée de salut, et qu’au jour du

  1. Ps. 35, 7-10
  2. Gen. 17, 10
  3. Lev. 12, 3
  4. Ex. 20, 10