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salutaire, apporter un remède à la faiblesse de leurs vues trop humaines, les porter à penser aux fêtes de l’éternité, détourner de ce monde leurs affections, et les reporter vers lieu. Mais pourquoi « monta-t-il comme en secret à la fête ? » Le Seigneur le sait. À non avis, par ce fait, même qu’il est monté anime en secret à la fête, il a voulu nous donner un enseignement ; car la suite nous apprendra qu’il est monté à Jérusalem au milieu même de la fête, c’est-à-dire pendant ces jours de fête, afin de prêcher en public ; mais l’Évangile se sert de ces mots : « comme en secret », pour dire que le Sauveur n’avait pas l’intention de s’attirer les louanges des hommes. Il est évident que le Christ monta en secret à la fête, puisque, ce jour-là, il se cochait ; ce que j’ai dit moi-même est encore chose cachée pour beaucoup. Aussi, puisse-t-on le connaître ! Puisse le voile se soulever, et ce qui nous était inconnu, nous apparaître clairement.
9. Tout ce qui a été dit à l’ancien peuple d’Israël dans les nombreuses pages de la loi le Dieu, tout ce qui se faisait soit dans les sacrifices, soit dans les choses du sacerdoce, soit dans les jours de fête, soit dans les circonstances relatives au culte rendu à Dieu par les Juifs, tout ce qui leur a été dit et commandé n’a été que la figure de ce qui devait avoir lieu plus tard. Et qu’est-ce qui devait avoir lieu ? Ce qui s’est accompli en Jésus-Christ, Voilà pourquoi l’Apôtre a dit : « Toutes les promesses de Dieu ont en lui leur vérité [1] » : c’est-à-dire, se sont réalisées en lui. Il ajoute, en un autre endroit : « Toutes ces choses qui leur arrivaient, étaient des figures, et elles ont été écrites pour nous instruire, nous qui nous trouvons à la fin des temps [2] ». Il a dit ailleurs : « Jésus-Christ est la fin de la loi [3] » ; et encore : « Que personne ne vous condamne pour le manger, ou pour le boire, ou à cause des jours de fête, des nouvelles lunes et des jours de sabbat, puisque toutes ces choses n’ont été que l’ombre de celles qui devaient arriver[4] ». Si tout cela n’était que l’ombre de l’avenir, ainsi en était-il de la scénophagie. De quoi ce jour de fête pouvait-il être la figure ? Cherchons à le savoir. Je vous ai dit ce qu’était la scénophagie : c’était la fête des tabernacles, instituée en mémoire de ce que le peuple juif, délivré de la captivité d’Égypte, et marchant dans la solitude du désert vers la terre promise, avait habité sous des tentes. Examinons bien ce qu’était cette fête, et remarquons quelle sera aussi notre fête à nous, qui sommes les membres du Christ, si tant est que nous en soyons les membres ; au cas que nous soyons ses membres, c’est l’effet de la grâce, et non pas celui de nos mérites. Reportons donc sur nous notre attention, mes frères : nous avons été conduits hors de l’Égypte, où, comme un autre Pharaon, le démon nous tenait sous sa dépendance : esclaves de nos désirs terrestres, nous y faisions des ouvrages de boue, et dans ce travail, nous souffrions beaucoup ; aussi, le Sauveur s’adressant à nous, comme à des ouvriers qui fout des briques, nous a-t-il dit : « Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés[5] ». Le baptême nous a fait sortir de là et traverser la mer Rouge : elle était vraiment rouge, cette mer, puisque ses eaux ont été sanctifiées par le sang du Christ : tous les ennemis qui nous poursuivaient, la mort nous en a délivrés : en d’autres termes, tous nos péchés ont été effacés. Aujourd’hui, avant d’arriver à la terre de promission, c’est-à-dire au royaume éternel, nous sommes au désert, nous habitons sous des tentes. Ceux qui me comprennent, habitent sous des tentes, et il devait se faire que plusieurs comprendraient. Celui-là habite sous une tente, qui se reconnaît comme voyageur sur la terre celui-là se reconnaît comme étranger ici-bas, qui soupire après la patrie. Or, puisque le corps du Christ se trouve sous les tentes, le Christ y est aussi ; mais alors ce mystère n’était pas connu, il était encore caché, car la lumière était encore voilée par l’ombre, et quand elle parut dans son éclat, les ombres s’effacèrent. Le Christ ne se manifestait pas ; il assistait à la fête de la scénophagie, mais c’était en secret. Aujourd’hui, il n’y a plus de mystère ; aussi reconnaissons-nous que nous voyageons dans la solitude ; et si nous le reconnaissons, nous y sommes véritablement. Qu’est-ce à dire : dans la solitude ? Dans le désert. Pourquoi dans le désert ? Parce que nous sommes, en ce monde, dans une terre où le manque d’eau nous fait souffrir de la soif. Mais puissions-nous avoir soif ! Nous serons abreuvés, car : « Bienheureux ceux qui

  1. 2 Cor. 1, 20
  2. 1 Cor. 10, 11
  3. Rom. 10, 4
  4. Col. 2,16-17
  5. Mat. 11, 28