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espéreront à l’ombre de vos ailes ». Et que trouveront-ils dans l’intérieur de Dieu ? « Ils seront enivrés de l’abondance de votre maison ». Dès que vous les aurez fait entrer, et qu’ils auront goûté la joie de leur Seigneur, « ils seront enivrés de l’abondance de votre maison, et vous les abreuverez au torrent de vos délices, parce qu’en vous se trouve la source de la vie ». Ce n’est point à l’extérieur, en dehors de vous que se trouve la source de la vie, c’est au dedans de vous, à l’intérieur. « Et, dans votre lumière, nous verrons la lumière. Étendez votre miséricorde sur ceux qui vous connaissent, et votre justice sur ceux qui ont le cœur droit ». Ceux qui suivent la volonté de leur Dieu, ceux qui recherchent, non leurs intérêts, mais les intérêts de Notre-Seigneur Jésus-Christ, voilà les hommes qui ont le cœur droit, voilà les hommes dont les pas ne chancellent point ; car « le Dieu d’Israël est bon pour ceux qui ont le cœur droit ». Mes pas, ajoute le Psalmiste, « ont presque chancelé ». Pourquoi ? « Parce que je me suis indigné contre l’insensé, en voyant la paix des impies [1] ». Pour qui donc Dieu serait-il bon, sinon pour ceux qui ont le cœur droit ? Pour moi, qui ai le cœur tordu, li conduite de Dieu m’a déplu. Pour quel motif ? Parce qu’il a accordé le bonheur aux méchants : et mes pieds ont chancelé, comme si j’avais inutilement servi Dieu. Mes pieds se sont presque dérobés sous moi : c’était donc parce que je n’avais pas le cœur droit. Mais qu’est-ce qu’un cœur droit ? C’est celui qui suit la volonté divine. Celui-ci est heureux, celui-là souffre ; celui-ci mène une mauvaise conduite, et rien ne manque à son bonheur celui-là subit toutes sortes d’épreuves, et pourtant sa vie est exemplaire. Que l’homme dont la vie se passe dans la pratique du bien ne s’emporte point parce qu’il se voit en butte à l’infortune ; il a une retraite intérieure que ne possède pas le pécheur heureux : qu’il ne se laisse donc aller ni à la tristesse, ni au découragement, ni à la défaillance. L’un possède de l’or dans ses coffres, l’autre possède Dieu en sa conscience : établis maintenant une comparaison entre l’or et Dieu, entre ces coffres et cette conscience. Le premier possède un or périssable, qu’il lui faudra quitter plus tard ; le second est en possession de Dieu, qui vivra toujours, et dont rien ne pourra le séparer ; mais pour cela faut-il qu’il ait le cœur droit ; car alors il entre et ne sort pas. Voilà pourquoi le Prophète disait : « Parce qu’en vous, non pas en nous, se trouve la source de la vie ». Cherchons donc à entrer, afin de trouver la vie, et ne cherchons, ni à nous suffire à nous-mêmes, car nous trouverions la mort ; ni en quelque sorte à nous contenter de l’aliment de notre seule volonté, car nous dépéririons ; mais appliquons nos lèvres à cette fontaine qui ne tarit jamais. Parce que Adam n’a voulu clans sa conduite écouter que ses propres inspirations, il est tombé sous les efforts de l’ange que l’orgueil avait déjà arraché du ciel, et qui l’a fait boire lui-même à la coupe de l’orgueil. Il est écrit : « En vous se trouve la source de la vie ; et dans votre lumière nous verrons la lumière ». Abreuvons-nous donc en Dieu, portons sur lui nos regards. Pourquoi sort-on de lui ? écoute, le voici : « Que je n’aie point un pied orgueilleux ». Il sort donc de Dieu, celui qui a un pied orgueilleux. Donnes-en la preuve. « Et que la main des impies ne m’ébranle pas », à cause de mon pied orgueilleux. Pourquoi t’exprimer ainsi : « Voilà l’écueil des ouvriers d’iniquité ? » Quel est cet écueil ? Nul autre que l’orgueil. « Ils y sont tombés et ne pourront s’en relever [2] ». Si l’orgueil précipite au-dehors des hommes qui ne pourront plus se tenir debout, l’humilité en fait entrer qui se tiendront éternellement debout. Voilà pourquoi avant de dire : « Mes os humiliés tressailliront », le Prophète s’était exprimé ainsi : « Vous ferez retentir à mon oreille la joie et l’allégresse [3] ». Que veut dire : « à mon oreille ? » En vous écoutant, je suis heureux : les accents de votre voix me comblent de bonheur. Je m’abreuve en vous, et j’y puise la félicité. C’est pourquoi je ne tombe pas ; c’est pourquoi mes « os humiliés tressailliront » ; c’est pourquoi encore « l’ami de l’époux se tient debout et « l’écoute [4] ». Il se tient debout, parce qu’il écoute. Il s’abreuve à la source intérieure de Dieu : aussi se tient-il debout. Pour ceux qui n’ont pas voulu puiser à cette source d’eaux vives, « voilà leur écueil : ils y sont tombés et ne s’en relèveront pas ».
18. Le Maître de l’humilité n’est donc parvenu pour faire sa volonté, mais pour faire

  1. Ps. 72, 1-3
  2. Ps. 35, 8-13
  3. Id. 50, 10
  4. Jn. 3, 29