Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/527

Cette page n’a pas encore été corrigée

10. Après avoir opéré en secret ce miracle, il adresse la parole à cette multitude, afin de nourrir encore autant que possible ceux qu’il a déjà nourris, afin de rassasier par ses discours les âmes de ceux dont il vient de calmer la faim corporelle. Mais encore faut-il qu’ils reçoivent cette nourriture nouvelle, et, s’ils ne la reçoivent pas, qu’on la recueille pour n’en pas laisser perdre les restes. À lui donc de parler, à nous d’écouter : « Jésus leur répondit en ces termes : En vérité, en vérité, je vous le dis : Vous me, cherchiez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains que je vous ai donnés ». Vous me cherchez donc pour des motifs charnels, et non pour des motifs spirituels. Combien cherchent Jésus seulement en raison du bien qu’ils désirent recevoir de lui suivant les circonstances ! Celui-ci se trouve dans une entreprise : il demande aux clercs l’appui de leur intercession : celui-là est poursuivi par un plus fort que lui ; il se réfugie à l’Église : cet notre aimerait d’être protégé auprès d’un homme sur lequel il n’a aucune influence l’un éprouve tel besoin, l’autre tel autre, nos Églises sont incessamment rem plies de pareilles gens. C’est à peine si quelqu’un cherche Jésus pour lui-même. « Vous me cherchez, non parce que vous voyez des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains que je vous ai donnés. Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle ». Vous me cherchez pour autre chose : cherchez-moi pour moi-même : il nous laisse, en effet, à penser qu’il est lui-même cette nourriture cela ressort des paroles qui suivent : « Et que le Fils de l’homme vous donnera ». À l’entendre, tu croyais, ce me semble, manger encore une fois du pain, te rasseoir sur l’herbe, être à nouveau rassasié. Mais il a dit : « Non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle ». Il avait déjà tenu le même langage à la Samaritaine : « Si tu savais celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu lui en aurais peut-être demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ». Comment cela ? dit-elle : Vous n’avez aucun moyen de tirer de l’eau, le puits est profond. Jésus lui répondit : « Si tu savais celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu lui en aurais peut-être demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. Celui qui boira de cette eau, n’aura jamais soif ; mais quiconque boira de l’eau de ce puits, aura encore soif ». Cette femme, qui se fatiguait à puiser de l’eau, fut transportée de joie et demanda à recevoir de cette eau, dans l’espoir de ne plus souffrir de la soif du corps. Et ce fut en s’entretenant ainsi avec le Sauveur qu’elle en vint à recevoir un breuvage spirituel [1]. Ici, il en est absolument de même.
11. « Cette nourriture, qui ne périt pas, mais qui demeure dans la vie éternelle, et que le Fils de l’homme vous donnera, car Dieu le Père l’a scellé de son sceau ». Ce fils de l’homme, veuillez ne pas le comparer aux autres enfants des hommes, dont il est écrit : « Les enfants des hommes espèrent à l’ombre de vos ailes[2] ». Séparé des autres par une grâce spéciale de l’Esprit-Saint, mais né d’une femme selon la chair, et compté au nombre des autres, il est fils de l’homme ; mais ce fils de l’homme est aussi Fils de Dieu : il est homme et Dieu tout ensemble. En une autre circonstance, il interrogeait ses disciples. « Que dit-on du Fils de l’homme ? Ils lui répondirent : Les uns disent : c’est Jean-Baptiste ; les autres : Élie ; d’autres : Jérémie ou un autre d’entre les Prophètes. Jésus leur dit : Et vous ? Qui dites-vous que je suis ? Pierre lui répondit : Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant[3] ». Jésus dit de lui-même qu’il est le Fils de l’homme, et Pierre reconnaît hautement qu’il est le Fils de Dieu. Jésus rappelait par là, avec raison, ce qu’il avait bien voulu paraître par bonté pour nous : Pierre faisait allusion à l’éternelle lumière au sein de laquelle il demeurait. Le Verbe de Dieu nous parle de ses humiliations, Pierre reconnaît en lui la splendeur de son Dieu. De fait, mes frères, il me parait juste qu’il en soit ainsi. Jésus s’est humilié à cause de nous : glorifions-le donc ce n’est pas pour lui-même qu’il est devenu fils de l’homme : c’est pour nous. C’est ainsi qu’il est devenu le fils de l’homme, puisque « le Verbe s’est fait chair et qu’il a habité parmi nous[4] ». Et voilà pourquoi « Dieu le Père l’a marqué de son sceau ». Qu’est-ce qu’apposer notre marque, sinon appliquer sur un objet quelque chose qui nous soit personnel ? Sceller de son sceau n’est donc

  1. Jn. 4, 5-26
  2. Ps. 35, 8
  3. Mt. 16, 13-16
  4. Jn. 1, 14