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des saints apparaîtra dans toute sa splendeur, à la suite du jugement qu’il prononcera en personne, et qui, selon son expression rapportée plus haut, est spécialement réservé au fils de l’homme[1]. En parlant de ce royaume, l’Apôtre a dit : « Lorsqu’il aura u remis son royaume à Dieu, son Père[2] ». Et lui-même s’en est exprimé en ces termes : « Venez, bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde[3] ». Mais les disciples et la foule qui croyaient en lui, s’imaginèrent qu’il était venu en ce monde pour régner immédiatement ; l’enlever et le faire roi, c’était donc devancer l’ère de la royauté, dont il tenait caché en lui-même le moment précis, pour la faire paraître au grand jour et la proclamer en temps opportun, c’est-à-dire à la fin du monde.

3. Le peuple voulait le faire roi, ou, en d’autres termes, il voulait fonder avant le temps et posséder un royaume visible du Christ, quoiqu’il dût d’abord être jugé, puis juger les autres ; en voici la preuve : immédiatement après qu’il eut été attaché à la croix, ceux mêmes qui avaient mis en lui leur confiance, avaient perdu tout espoir de le voir ressusciter ; et quand il fut sorti vivant de son tombeau, il rencontra, au sortir de Jérusalem, deux disciples qui s’entretenaient ensemble comme des gens découragés, et qui se racontaient en gémissant ce qui venait d’avoir lieu ; il s’approcha d’eux, et ils ne virent en lui qu’un étranger, car leurs yeux étaient fermés, et ils ne le reconnaissaient pas ; dès qu’il se fut mêlé à leur conversation, ils lui firent part du sujet de leur entretien et lui racontèrent que ce Prophète puissant en œuvres et en paroles avait été mis à mort par les princes des prêtres : « Et nous espérions », ajoutèrent-ils, « qu’il serait le libérateur d’Israël[4] ». Vous ne vous trompiez pas, votre espérance était bien fondée ; car il est effectivement le Rédempteur d’Israël. Mais pourquoi vous hâter ainsi ? Pourquoi vouloir l’enlever ? Voici encore une autre preuve des idées et des intentions de la multitude, Les disciples du Sauveur l’interrogeaient un jour sur ce qui se passerait à la fin des temps : « Seigneur », lui disaient-ils, « est-ce en ce temps-ci que vous rétablirez le royaume d’Israël ? quand le rétablirez-vous ? » Ils désiraient, ils voulaient voir déjà exister ce royaume : en un mot, ils voulaient enlever le Christ et le faire roi. Mais, parce qu’il devait seul monter bientôt au ciel, il leur dit : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a disposés dans sa puissance. Mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit venant sur vous, et vous serez témoins pour moi à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre[5] ». Vous voulez que je fasse paraître mon royaume ; je le montrerai quand les éléments en seront réunis ; vous aimez la grandeur, et vous y parviendrez, mais suivez-moi dans le chemin de l’humilité. Il a encore été dit du Christ : « L’assemblée des peuples vous environnera ; à cause d’elle, remontez sur la hauteur[6] ». C’est-à-dire : pour que l’assemblée des peuples vous environne, pour réunir autour de vous un grand nombre de nations, remontez sur la hauteur. Ainsi a-t-il agi : il a gravi de nouveau la montagne, après avoir nourri la multitude.

4. Mais pourquoi l’Évangéliste a-t-il employé le mot : « Il s’enfuit », puisqu’en réalité on ne pouvait ni mettre la main sur lui, ni l’enlever ; ni même le reconnaître contre son gré ? La preuve que tout ceci s’est passé en mystère, non comme résultat de la nécessité, mais pour nous insinuer un secret dessein de Dieu, vous la verrez bientôt, dans les versets suivants. Il s’était, en effet, trouvé au milieu de cette foule qui le recherchait ; il s’était entretenu avec elle, lui avait parlé beaucoup et avait discuté longuement devant elle la question du pain descendu du ciel, S’était-il alors éloigné d’elle dans la crainte de la voir s’emparer de lui ? En cette circonstance, ne pouvait-il pas agir, pour sauvegarde sa liberté, comme il agit plus tard, lorsqu’il engagea cette discussion avec elle ? Il a donc voulu nous donner une leçon en prenant la fuite. Alors, que signifie ce mot : « Il s’enfuit ? » On ne put se faire une idée de sa grandeur. Tout ce que tu ne comprends point, n’en dis-tu pas : Cela m’échappe ? Aussi « se retira-t-il seul sur la montagne ». Le premier-né d’entre les morts[7] s’est élevé au-dessus de tous les cieux, et il intercède pour nous[8].

  1. Jn. 5, 22
  2. 2Co. 15, 24
  3. Mat. 25, 34
  4. Luc. 24, 13-21
  5. Act. 1, 6-8
  6. Psa. 7, 8
  7. Col. 1, 18
  8. Rom. 8, 34