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et nous disent que Dieu ne l’a point donnée. Il nous faut donc expliquer ce passage, afin que l’on sache bien que Dieu a donné la loi, et que cette loi a été promulguée par Moïse, mais non pour sauver, et cela pour des raisons particulières. La loi ne sauvait point, afin que l’on désirât le législateur, le chef, qui pardonnât aux pécheurs ; et qu’ainsi la loi fût donnée par Moïse, la grâce et la vérité par Jésus-Christ. Voilà le sujet que je propose à votre attention. Dieu me soutiendra de sa grâce, non point à cause de mues mérites, mais par le mérite de vos désirs ; non point que je le puisse de moi-même, tout viendra de l’abondance de ses dons. Ce point de doctrine, fort nécessaire aux hommes qui vivent dans le Nouveau Testament, sera exposé de manière à déloger l’ennemi de toutes ces obscurités où il se cache pour tromper les fidèles.


DISCOURS SUR LE PSAUME 124

SERMON AU PEUPLE.

VAINE PROSPÉRITÉ DES MÉCHANTS, ET CONFIANCE DES JUSTES.

Le Prophète veut nous détourner des prospérités d’ici-bas qui produisent l’enflure chez les uns, et découragent les autres qui se croient frustrés de toute récompense ; puis il attire notre attention sur l’homme au cœur droit, qui n’a d’autre volonté que celle de Dieu, ne critique point les desseins de Dieu sur le pauvre et sur le riche, met sa confiance en Dieu, et ne sera point ébranlé parce qu’il habite Jérusalem ou la cité de Dieu. Cette cité est environnée de montagnes ou des hommes de Dieu, prophètes, apôtres, évangélistes, d’où nous vient le secours qu’elles-mêmes reçoivent de Dieu. Il est aussi d’autres montagnes qui ne sont que des écueils, qui ont en elles-mêmes une confiance présomptueuse et nous demandent la nôtre, tandis que les montagnes véritables déclinent cette confiance pour elles-mêmes, pour la reporter à Dieu, d’où leur vient la lumière et la rosée. Ces montagnes diront que le sceptre de l’impie ne sera point toujours sur l’héritage du juste, qu’il faut obéir à nos maîtres ici-bas comme le Christ s’est assujetti à ses ennemis, comme le médecin se fait le serviteur du malade. Tout cela passera, afin de ne point décourager les hommes au cœur droit. Quant à l’homme aux voies tortueuses, Dieu l’unit aux méchants, et ne donne qu’à Israël ou à celui qui voit Dieu cette paix qui est Dieu même.


1. Compté au nombre des cantiques des degrés (et afin de ne pas vous embarrasser l’esprit plus que je ne vous instruirais, je ne reviendrai pas sur ce titre, suffisamment expliqué), ce psaume nous apprend à monter, à élever nos âmes vers Dieu notre Seigneur, par l’élan de la charité et de la piété, à détourner nos regards de ces hommes qui jouissent ici-bas d’une félicité vaine qui les enfle et qui les séduit, qui n’entretient en eux que l’orgueil, qui glace leur cœur à l’égard de Dieu, l’endurcit à la rosée de la grâce et le rend stérile. La confiance avec laquelle ils trouvent auprès d’eux ce qui parait nécessaire à la vie, et même au-delà du nécessaire, les élèves, et bien qu’ils soient à cause de leurs iniquités, bien inférieurs aux autres hommes, ils se croient supérieurs à tous. Encore s’ils croyaient être comme les autres hommes ! Or, en considérant ces hommes, en s’arrêtant trop à les envisager, ceux mêmes qui servent le Seigneur sont dans le trouble et l’anxiété ; on dirait qu’ils ont perdu le prix du culte qu’ils rendent au Seigneur, quand ils se voient dans le labeur, dans l’indigence, dans les chagrins, dans la maladie, dans la souffrance, dans quelque nécessité, tandis qu’ils voient dans la force de la santé du corps, dans l’abondance des biens du temps, dans la prospérité de leurs proches, dans l’éclat de tous les honneurs, ceux qui non seulement ne servent point Dieu, mais sont en guerre avec le reste des hommes. Voilà ce qu’ils considèrent, ce qui les trouble, ce qui leur suggère en eux-mêmes ce qui est dit ouvertement dans un autre psaume : « Comment « Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance ? Voilà que les pécheurs et les méchants ont obtenu les richesses ». Et il continue : « C’est donc en vain que j’ai purifié