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leur dit le Sauveur ; scrutez-la, « puisque vous y voyez la source de la vie éternelle ; elle me rend témoignage, et, pourtant, vous ne voulez point venir à moi pour avoir la vie ». Pourquoi pensez-vous trouver la vie éternelle dans l’Écriture ? Interrogez-la donc ; demandez-lui à qui elle rend témoignage, et sachez quelle est la vie éternelle. À cause de Moïse, ils voulaient renier le Christ, comme si le Christ était l’ennemi des institutions et des commandements de Moïse. Aussi, pour les réduire au silence, en appelle-t-il comme à la lumière d’une autre lampe.

3. À vrai dire, tous les hommes sont des lampes susceptibles d’être allumées et d’être éteintes ; si la sagesse les dirige, ils répandent autour d’eux la lumière et la chaleur ; mais ils ne doivent pas l’oublier : au moment où ils projettent le plus vif éclat, leurs rayons peuvent tout à coup faire place aux plus profondes ténèbres. Si, en effet, les serviteurs de Dieu n’ont pas cessé d’être des lampes ardentes, ç’a été, chez eux, un effet de la miséricorde du Seigneur, et non une suite de leurs propres efforts ; car la grâce du Tout-Puissant, qui est gratuite, est l’huile avec laquelle s’entretiennent les lampes dont nous parlons. « J’ai travaillé plus que les autres », dit l’une de ces lampes ; mais afin qu’on n’attribue point à ses propres forces l’éclat dont elle brille, il ajoute : « Non pas moi néanmoins, mais la grâce de Dieu avec moi [1] ». Aussi devons-nous regarder comme des lampes toutes les prophéties qui ont été faites avant l’avènement du Sauveur. Voilà pourquoi l’apôtre saint Pierre s’exprime ainsi, en parlant d’elles : « Nous avons, d’ailleurs, encore une preuve plus frappante dans les oracles des Prophètes sur lesquels vous faites bien d’arrêter vos regards comme sur un flambeau qui luit, dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs[2] ». C’est pourquoi tous les Prophètes sont des lampes, et toutes les prophéties un immense faisceau lumineux. Et les Apôtres ? Qu’étaient-ils eux-mêmes, sinon des lampes ? Oui, certes, ils étaient des lampes : Jésus-Christ seul n’en était pas, car il ne pouvait ni être allumé ni s’éteindre. Celui qui disait : « Comme mon Père a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné à son Fils d’avoir aussi en lui la vie ». Les Apôtres étaient donc des lampes : et encore les voyons-nous rendre grâces à Dieu d’être éclairés des rayons de la vérité, de brûler des ardeurs de l’Esprit de charité, d’être pourvus de l’huile de la grâce céleste. S’ils n’étaient pas vraiment des lampes, le Sauveur leur dirait-il : « Vous êtes la lumière du monde ? » Toutefois, après leur avoir tenu ce langage : « Vous êtes la lumière du monde », il veut leur faire comprendre que leur éclat n’est point pareil à celui dont il est question dans le passage suivant. « Celui-là était la véritable lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde ». L’écrivain sacré avait ainsi parlé de Notre-Seigneur, pour le distinguer nettement de saint Jean-Baptiste ; quant au Précurseur, voici ce qu’en disait l’Évangéliste : « Il n’était pas la lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à Celui qui était la lumière[3]. — Comment, me diras-tu, il n’était pas la lumière ? Jésus-Christ n’a-t-il pas affirmé qu’il était une lampe ? — Non, si on le compare au Sauveur, il n’était pas la lumière ; car, « celui-là était la véritable lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde ». Notre-Seigneur dit donc à ses apôtres : « Vous êtes la lumière du monde » ; et, afin qu’ils ne pussent s’attribuer à eux-mêmes ce qui s’appliquait au Christ seul, afin que le vent de l’orgueil ne vînt point éteindre leur lampe, il ajouta aussitôt à ces paroles : « Vous êtes la lumière du monde », ces autres paroles : « Une ville, placée sur une montagne, ne peut être cachée, et l’on n’allume pas une lampe pour la placer sous le boisseau, mais sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison ». — Mais Jésus-Christ a-t-il donné à ses Apôtres le nom de lampes ? Peut-être ne leur a-t-il confié que la mission d’allumer la lampe destinée à être placée sur le candélabre. — Non, il les a positivement désignés sous le nom de lampes ; j’en trouve la preuve dans ces propres paroles : « Ainsi, que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père, qui est dans les cieux[4] ».

4. Donc, et Moïse, et saint Jean, et les autres Prophètes, et les autres Apôtres ont rendu témoignage au Christ ; et néanmoins, à tous

  1. 1Co. 15, 10
  2. 2Pi. 1, 19
  3. Jn. 1, 8-9
  4. Mat. 5, 11-16