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10. Je vais vous dire une chose peut-être encore plus claire. Quelqu’un, par exemple, allume une lampe ; si tu considères la petite flamme qui se montre à cette lampe, fuseras obligé de convenir qu’elle a la lumière en elle-même ; mais, en l’absence de la lampe, tes yeux étaient comme morts et ne voyaient rien ; mais dès qu’ils l’aperçoivent, ils ont la lumière, et, toutefois, ils ne l’ont pas en eux-mêmes. S’ils se détournent de la lampe, ils sont plongés dans les ténèbres, s’ils se tournent de son côté, ils reçoivent l’éclat de ses rayons. Tant que le feu de cette lampe existe, il brille ; mais dès que lu veux lui enlever son éclat, tu l’éteins nécessairement du même coup ; car il lui est impossible de subsister, indépendamment de cet éclat. Quant au Christ, il est une lumière inextinguible, coéternelle au Père, toujours brillante, toujours resplendissante, toujours brûlante ; car si elle ne brûlait point, le Psalmiste dirait-il : « Personne ne peut se dérober à sa chaleur [1] ? « Plongé dans l’iniquité, tu es froid : si tu t’approches de lui, tu te réchauffes, mais tu te refroidis aussitôt que tu t’en éloignes. Tes péchés t’environnent d’épaisses ténèbres, tourne-toi vers lui, il t’illuminera ; en lui tournant le dos, tu retomberas dans l’obscurité. Par conséquent, tu n’es par toi-même que ténèbres : et quand tu viens à être éclairé, tu n’es nullement la lumière, bien que tu sois au sein de la lumière. Aussi l’Apôtre dit-il : « Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur [2] ». Après ces mots : « Mais maintenant vous êtes lumière », il ajoute : « dans le Seigneur ». Pourquoi, lumière ? Parce que tu es entré en participation de sa lumière. Eloigne-toi de cette lumière dont les rayons se reflètent sur ta personne, tu retombes dans ta propre obscurité. Il n’en est pas ainsi du Christ, il en est tout différemment du Verbe de Dieu. Qu’en est-il donc ? « Comme le Père a la lumière en lui-même, ainsi « a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la lumière en lui-même ». Ainsi, il vit, non parce qu’il entre en participation de la vie d’un autre, mais parce qu’il possède la vie dès toujours, parce qu’il est, par essence, la vie même. « Ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie ». Comme il la possède, il a donné au Fils de la posséder. Quelle différence y a-t-il entre le Père et le Fils ? C’est que l’un donne et que l’autre reçoit. Mais le Fils existait-il au moment où il a reçu ? Supposerions-nous que le Christ ait jamais pu se trouver privé de la lumière ? N’est-il pas, en effet, cette sagesse du Père, de laquelle il a été dit : « Elle est la splendeur de la lumière éternelle [3] ? » Ces mots : « Il a donné au Fils », ne sont, en d’autres termes, que ceux-ci : Il a engendré le Fils, et, en l’engendrant, il lui a donné. Comme il lui a donné l’être, ainsi lui a-t-il donné d’être la vie ; et il le lui a donné de manière à ce qu’il eût la vie en lui-même. Qu’est-ce à dire, qu’il eût la vie en lui-même ? c’est-à-dire, qu’au lieu de la puiser ailleurs, il en fût lui-même la plénitude, et la communiquât à tous les croyants, tant qu’ils vivraient. « Il lui a donc donné d’avoir la vie en lui-même ». Il le lui a donné eu quelle qualité ? En tant qu’il est son Verbe, Celui qui, « au commencement était le Verbe, et le Verbe en Dieu ».
11. De plus, parce que le Verbe s’est ni homme, qu’a-t-il reçu du Père en cette qualité ? « Et il lui a donné la puissance de rendre les jugements, parce qu’il est le Fils de l’homme ». En tant qu’il est Fils de Dieu, « comme le Père a la vie en lui-même, ainsi lui a-t-il donné d’avoir en lui-même ta vie » ; en tant qu’il est Fils de l’homme, le Père « lui a donné la puissance de rendre les jugements ». Voilà pourquoi j’ai dit hier à votre charité qu’au jugement on verra l’homme, mais qu’on n’apercevra pas le Dieu, et qu’après le jugement le Dieu se manifestera aux yeux de ceux qui en seront sortis victorieux, tandis qu’Il se dérobera à la vue des impies[4]. En Jésus-Christ, l’homme se montrera donc au jugement, revêtu de cette forme avec laquelle il est monté an ciel et en redescendra : telle est la raison de ces paroles prononcées par lui : « Le Père ne juge personne, mais il a donné son jugement au Fils[5] ». Il exprime à nouveau cette pensée, quand il dit : « Et il lui a donné la puissance de rendre les jugements, parce qu’il est Fils de l’homme ». Mais, me diras-tu, pourquoi « le Père a-t-il donné au Fils la puissance de rendre les jugements ? » Y a-t-il eu un seul instant où le Fils n’ait point possédé le pouvoir de juger ? Comment ! « Au commencement, il

  1. Ps. 18, 7
  2. Eph. 5, 8
  3. Sag. 7, 26
  4. V. Traité précédent
  5. Jn. 5, 22