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Fils de Dieu, chassera le diable et ses anges, et, avec eux, tous les fidèles et les impies ; à ce jugement ne viendra pas celui qui croit maintenant, et qui, à cause de cela, passe de la mort à la vie.
6. Cependant, ne t’imagine pas que la foi t’empêchera de mourir corporellement ; n’interprète point d’une manière charnelle les paroles du Sauveur, et ne va pas te tenir ce langage : Le Seigneur m’a dit : « Celui qui écoute mes paroles et croit à celui qui m’a envoyé, est passé de la mort à la vie ». Donc, puisque j’ai cru, je ne mourrai pas. Sache-le bien, tu mourras ; c’est une dette que tu dois payer à cause du péché d’Adam ; car il lui a été dit : « Tu mourras de mort [1] ». Voilà une condamnation que nous avons alors tous encourue : impossible de nous y soustraire, Mais quand tu auras subi la mort du vieil homme, tu seras reçu dans l’éternelle vie de l’homme nouveau, et tu passeras de la mort à la vie. Pour le moment, travaille à passer à la vie. Quelle est ta vie ? La foi. « Le juste vit de la foi[2] ». En quel état se trouvent les infidèles ? Dans un état de mort. Au milieu de pareils morts se trouvait corporellement celui à qui le Sauveur disait un jour : « Laisse les morts ensevelir leurs morts[3] ». Il y a donc, même en cette vie, des hommes qui sont morts, et d’autres qui sont vivants ; et tous y semblent être en possession de la vie. Qui sont les morts ? Ceux qui n’ont pas cru. Qui sont les vivants ? Ceux qui ont la foi. Quel langage l’Apôtre tient-il à ceux qui sont morts ? « Lève-toi, toi qui dors » ; il parle d’un sommeil, et non d’une mort. Écoute ce qui suit : « Lève-toi, toi qui dors, et sors d’entre les morts ». Et comme si celui-ci lui disait : Où irai-je ? Paul répond : « Et le Christ t’éclairera [4] ». Au moment où Jésus-Christ t’éclairera des rayons de la foi, tu passeras de la mort à la vie n puisses-tu y rester, tu ne viendras pas au jugement.
7. Voici qu’il va lui-même nous expliquer sa pensée ; il ajoute donc : « En vérité, en vérité, je vous le dis ». Il avait dit précédemment : « Il est passé de la mort à la vie ». Nous croirions peut-être pouvoir inférer de ces paroles que le Sauveur a fait allusion à la résurrection future : mais non ; aussi veut-il nous faire comprendre en quoi consiste le passage de la mort à la vie ; il veut nous faire comprendre que passer de la mort à la vie, c’est passer de l’infidélité à la foi, de l’injustice à la justice, de l’orgueil à l’humilité, de la haine à la charité ; c’est pourquoi il continue : « En vérité, en vérité, je vous le dis : l’heure vient, et elle est déjà venue ». Y a-t-il rien de plus clair ? Il est évident qu’il nous a donné la clef de ses paroles, et que ce qu’il nous a dit se fait au moment même où il s’adresse à nous : « L’heure vient ». Quelle heure ? « Et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’entendront vivront ». Nous avons déjà parlé de cette sorte de morts. Que penser, mes frères ? Dans cette multitude qui m’entend, n’y a-t-il aucun mort ? Sans doute. Ceux-là vivent et ne sont pas morts, qui croient et agissent selon la règle de la vraie foi ; mais, par contre, ceux-là doivent être évidemment comptés parmi les morts, qui ne croient pas, ou qui croient à la manière des démons [5], parce qu’ils tremblent et vivent mal ; parce que, tout en confessant le Fils de Dieu, ils n’ont pas la charité. Et, toutefois, nous en sommes encore à cette heure ; car cette heure, dont le Christ nous a parlé, n’est pas du nombre des douze heures d’un même jour. Du moment où il a parlé jusqu’au temps où nous vivons, et jusqu’à la fin du monde, il n’y aura qu’une seule heure, et elle a maintenant cours : c’est à elle que Jean fait allusion dans ce passage de son Epître : « Mes petits enfants, voici la dernière heure [6] ». C’est donc l’heure présente. Que celui qui vit, vive ; que vive aussi celui qui est mort : que celui qui gisait au nombre des morts, entende la voix du Fils de Dieu, qu’il se lève et qu’il vive. Au tombeau de Lazare, le Christ a élevé la voix, et l’homme qui s’y trouvait enseveli depuis quatre jours, est ressuscité. Il sentait mauvais, et, pourtant, il est revenu à la vie de ce monde ; il était enseveli, on avait posé sur lui une pierre : néanmoins, la voix du Sauveur a pénétré au-delà de cette pierre : et ton cœur est si dur que la voix du Christ n’a pu encore le briser ? Lève-toi dans ton cœur, sors de ton sépulcre. Car tu étais mort, tu étais étendu dans ton cœur comme dans un tombeau ; semblables à une pierre, tes mauvaises habitudes pesaient sur toi. Lève-toi et sors. Qu’est-ce à dire : « Lève-toi

  1. Gen. 2, 17
  2. Hab. 2, 4 ; Rom. 1, 17
  3. Mt. 8, 22
  4. Eph. 5, 14
  5. Jac. 2, 19
  6. 1 Jn. 2, 18