Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/502

Cette page n’a pas encore été corrigée

abstraction faite de ce livre sacré, de toute lecture et de toute interprétation, celui qui nous a donné, pour la vie présente, son Évangile, apparaîtra aux yeux de tous ses fidèles réunis, dont le cœur aura été purifié, et dont le corps, désormais immortel, n’aura plus à craindre les atteintes du trépas : alors, il les rendra tout à fait purs et les éclairera, et ils vivront, et ils verront « le Verbe qui était au commencement, le Verbe qui était en Dieu ». Maintenant donc, considérons ce que nous sommes, pensons à ce qu’est celui qui va nous parler. Le Christ est Dieu, et il parle à des hommes : il veut en être compris, qu’il les eu rende capables ; il veut en être vu, qu’il ouvre leurs yeux. Ce n’est point sans motif qu’il s’adresse à nous, car rien de plus réel que ce qu’il nous promet.
3. « Celui », dit le Sauveur, « qui écoute mes paroles et croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne passera point en jugement ; mais il passe de la mort à la vie ». Où et quand passons-nous de la mort à la vie, de manière à ne pas entrer en jugement ? En ce monde, on passe de la mort à la vie ; en cette vie, qui n’est point encore la véritable, on passe de la mort à la vie. En quoi consiste ce passage ? « Celui qui écoute mes paroles et croit à celui qui m’a envoyé ». En gardant ces paroles, tu y crois et tu passes. Peut-on passer sans changer de place ? Certainement. Le corps garde sa place, et l’on passe spirituellement. Où était-on, pour s’éloigner, et où passe-t-on ? On passe de la mort à la vie. Imagine-toi qu’un homme se trouve ici, en qui se réalise ce que nous disons. Il est là, il écoute n peut-être ne croyait-il pas encore ; mais en entendant, il croit : tout à l’heure, il n’avait pas la foi, il l’a maintenant : il est, en quelque manière, sorti du pays de l’infidélité, pour entrer dans la région de la foi n son corps est demeuré immobile, son cœur seul est changé de place en ce sens qu’il s’est porté au bien : ceux, en effet, qui s’écartent de la règle de la foi, ne se portent-ils pas au mal ? Voilà comment en cette vie, qui n’est pas, je l’ai dit, la véritable, on passe de la mort à la vie, de manière à ne pas entrer en jugement. Pourquoi ai-je dit que cette vie n’est pas encore la vie ? C’est que, si elle était la vie, le Sauveur n’aurait pas dit à quelqu’un : « Si tu veux parvenir à la vie, garde les commandements [1] ». Il n’a pas dit : Si tu veux parvenir à la vie éternelle ; il n’a pas ajouté le mot : éternelle ; il s’est borné à dire : « la vie ». Cette vie-ci ne mérite donc pas d’être appelée la vie, parce qu’elle n’est point la véritable vie. Quelle est la véritable vie, sinon la vie éternelle ? Écoute l’Apôtre ; voici ce qu’il dit à Timothée : « Ordonne aux riches de ce monde de n’être point orgueilleux, de ne point mettre leur confiance en des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant qui nous donne avec abondance ce qui est nécessaire à la vie ; d’être charitables et bienfaisants, riches en bonnes œuvres ; de donner de bon cœur, de faire part de leurs biens aux pauvres ». À quoi bon tout cela ? Écoute ce qui suit : « De se faire un trésor et un fondement solide pour l’avenir, afin d’embrasser la véritable vie [2] ». Puisque les riches doivent se faire un trésor et un fondement solide pour l’avenir, afin d’embrasser la vie véritable, la vie dont ils sont aujourd’hui en possession est donc une vie fausse. Car, pourquoi vouloir embrasser la véritable vie, si déjà tu la possèdes ? Tu veux embrasser la vraie vie ? Il te faut donc sortir de la vie fausse. Par où passer ? Où aller ? Écoute et crois, et tu effectues le passage de la mort à la vie, et tu n’entres pas en jugement.
4. Que veulent dire ces paroles : Et tu ne viens pas au jugement ? Peut-il y avoir quelqu’un de meilleur que l’apôtre Paul, qui disait : « Nous devons tous comparaître au tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ses bonnes ou à ses mauvaises actions, pendant qu’il était revêtu de son corps [3] ? » Paul a dit : « Nous devons tous comparaître au tribunal de Jésus-Christ » ; et toi, tu oses te promettre de ne pas venir au jugement ? – Dieu me préserve d’oser me promettre de moi-même un tel privilège : mais je crois à la parole de celui qui me l’a promis. C’est le Sauveur qui parle ; c’est la Vérité qui promet ; car le Christ m’a dit : « Celui qui écoute mes paroles et croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle, et il passe de la mort à la vie, et il ne viendra pas en jugement ». J’ai donc entendu les paroles de mon Seigneur, et j’y ai cru : d’infidèle que j’étais, je suis devenu fidèle : suivant l’avis qu’il m’en a donné, je suis

  1. Mt. 19, 17
  2. 1 Tim. 6, 17-19
  3. 2 Cor. 5, 10