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à Dieu [1] ? » Qu’elle est admirable, cette forme divine, puisque malgré sa forme humaine le Fils n’a pas cessé d’être égal au Père ! Elle est ineffable et incompréhensible, surtout pour les petits. Quand la verra-t-on ? Voilà les justes placés à droite, et les pécheurs à gauche ; tous aperçoivent le Christ-homme, le Fils de l’homme qui a été percé, crucifié, humilié, et qui est né d’une Vierge ; ils contemplent l’Agneau de la tribu de Juda. À quel moment contempleront-ils le Verbe, Dieu en Dieu ? Au jugement, il sera le Fils du Tout-Puissant, mais la forme seule de l’esclave se manifestera en lui. Aux esclaves il montrera sa forme d’esclave, et sa forme divine aux enfants de Dieu. Que les esclaves deviennent donc enfants du Très-Haut ; que ceux qui se trouvent à droite, entrent en possession de l’héritage éternel, de cet héritage depuis si longtemps promis, à l’existence duquel les martyrs ont cru avant de le voir, pour l’acquisition duquel ils ont, sans hésiter, versé tout leur sang, parce qu’il était promis à leurs efforts : qu’ils entrent dans cet héritage, ils y contempleront l’objet de leurs désirs. Quand pourront-ils y entrer ? Le Sauveur va lui-même nous l’apprendre : « Et ceux-ci iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle[2] ».
15. Jésus vient de prononcer le nom de la vie éternelle. Nous a-t-il dit que, au sein de cette vie éternelle, nous verrons et connaîtrons le Père et le Fils ? Mais à quoi nous servirait de vivre toujours, si nous ne devions point en même temps les voir ? Écoute : voici un autre passage où le Christ parle de la vie éternelle et nous dit avec précision en quoi elle consiste. Ne crains rien, je ne veux point t’induire en erreur ; ce n’est pas sans motif que j’ai fait cette promesse à ceux qui m’aiment : « Celui qui a mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime. Or, celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; je l’aimerai aussi, et je me manifesterai à lui[3] ». Répondons au Seigneur, et disons-lui : Seigneur notre Dieu, qu’y a-t-il en cela de si grand, de si merveilleux ? Vous vous montrerez à nous ? Eh quoi ? Ne vous êtes-vous pas fait voir même aux Juifs ? Ceux qui vous ont crucifié ne vous ont-ils pas aussi contemplé de leurs yeux ? Vous vous manifesterez à nous, quant au jour du jugement vous nous placerez à votre droite : ceux mêmes qui se trouveront à votre gauche ne vous apercevront-ils pas ? Que signifie cette promesse de vous manifester à nous ? Ne vous voyons-nous pas, maintenant que vous nous parlez ? Le Sauveur nous répond : Vous voyez aujourd’hui ma forme d’esclave, je me manifesterai plus tard à toi dans ma forme divine. Je ne te tromperai point, ô homme fidèle ; crois-le bien, tu me verras. Tu m’aimes sans me voir ; supposes-tu que ton amour pour moi ne te méritera pas le privilège de me contempler ? Aime-moi, et persévère dans mon amour ; je ne le frustrerai point, moi qui ai purifié ton cœur. Pourquoi l’ai-je purifié, sinon afin qu’il pût contempler Dieu ? En effet, « bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu [4] ». Mais le serviteur ne s’arrête pas là ; il discute en quelque sorte avec le Sauveur et lui réplique Vous n’avez pas dit cela d’une manière expresse, dans ce passage. « Les justes iront à la vie éternelle » ; car vous n’avez pas dit : Ils y entreront pour m’y contempler dans la forme de Dieu, et y voir le Père dont je suis l’égal. Remarque ce qu’il a dit en un autre endroit : « C’est la vie éternelle de vous connaître, vous le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé [5] ».
16. Après le jugement dont nous venons de parler, et que le Père a donné au Fils parce qu’il ne juge lui-même personne, qu’arrivera-t-il ? Que lisons-nous ensuite ? « Afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père ». Les Juifs honoraient le Père, et méprisaient le Fils ; car ils considéraient le Fils comme un esclave, et honoraient le Père comme un Dieu. Alors, on verra le Fils égal au Père ; car il se montrera tel, « afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père ». Pour le moment, nous en sommes encore à le croire. Que le juif ne dise pas : J’honore le Père ; mais qu’y a-t-il de commun entre le Fils et moi ? – Le Christ va lui répondre. « Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore point le Père ». – Tu dis un affreux mensonge : tu blasphèmes le Fils, et tu fais injure au Père. Car le Père a envoyé son Fils, et tu méprises celui qui l’a envoyé, Comment peux-tu dire que tu respectes l’envoyeur, quand tu blasphèmes son envoyé ?
17. Voilà un fait, dira quelqu’un : c’est que

  1. Phil. 2, 6
  2. Mt. 25, 16
  3. Jn. 14, 21
  4. Mt. 5, 5
  5. Jn. 17, 3